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    Le génocide arménien

     

    RÉFUGIÉS ARMÉNIENS

     

    Le samedi 24 avril 1915, à Constantinople (*), capitale de l'empire ottoman, 600 notables arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement. C'est le début d'un génocide, le premier du XXe siècle.

     

    Il va faire environ 1,2 million de victimes dans la population arménienne de l'empire turc. Sur les horreurs de ces massacres, voir la vidéo ci-contre de l'INA (1982).

    André Larané

    La République turque et le génocide

     

    La République turque, qui a succédé en 1923 à l'empire ottoman, ne nie pas la réalité des massacres mais en conteste la responsabilité et surtout rejette le qualificatif de génocide.

     

    Les Turcs les plus accommodants attribuent la responsabilité des massacres à un régime disparu, le sultanat, ou aux aléas de la guerre. Le gouvernement d'Istamboul, allié de l'Allemagne contre la Russie, la France et l'Angleterre, pouvait craindre une alliance entre les Russes et les Arméniens de l'intérieur, chrétiens comme eux.

     

    Ils font aussi valoir que ces massacres n'étaient pas motivés par une idéologie raciale. Ils ne visaient pas à l'extermination systématique du peuple arménien. Ainsi, les Arméniens de Jérusalem et de Syrie, alors possessions ottomanes, n'ont pas été affectés par les massacres. Beaucoup de jeunes filles ont aussi pu sauver leur vie en se convertissant à l'islam et en épousant un Turc, une «chance» dont n'ont pas bénéficié les Juives victimes des nazis... Pour les mêmes raisons, certains historiens occidentaux contestent également le qualificatif de génocide.

    Un empire composite

     

    Aux premiers siècles de son existence, l'empire ottoman comptait une majorité de chrétiens (Slaves, Grecs, Arméniens, Caucasiens, Assyriens....). Ils jouaient un grand rôle dans le commerce et l'administration, et leur influence s'étendait au Sérail, le palais du sultan. Ces «protégés» (dhimmis en arabe coranique) n'en étaient pas moins soumis à de lourds impôts et avaient l'interdiction de porter les armes.

     

    Les premiers sultans, souvent nés d'une mère chrétienne, témoignaient d'une relative bienveillance à l'égard des Grecs orthodoxes et des Arméniens monophysites.

     

    Ces derniers étaient surtout établis dans l'ancien royaume d'Arménie, au pied du Caucase, premier royaume de l'Histoire à s'être rallié au christianisme ! Ils étaient majoritaires aussi en Cilicie, une province du sud de l'Asie mineure que l'on appelait parfois «Petite Arménie». On en retrouvait à Istamboul ainsi que dans les villes libanaises et à Jérusalem.

     

    L'empire ottoman comptait environ 2 millions d'Arméniens à la fin du XIXe siècle sur une population totale de 36 millions d'habitants.

    Ébauche de génocide

     

    Après une tentative de modernisation par le haut, dans la période du Tanzimat, entre 1839 et 1876, l'empire ottoman entre dans une décadence accélérée. Le sultan Abdul-Hamid II attise sans vergogne les haines religieuses pour consolider son pouvoir (les derniers tsars de Russie font de même dans leur empire).

     

    Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer 200.000 à 250.000 avec le concours diligent des montagnards kurdes. À Constantinople même, la violence se déchaîne contre les Arméniens du grand bazar, tués à coups de gourdin.

     

    Un million d'Arméniens sont dépouillés de leurs biens et quelques milliers convertis de force. Des centaines d'églises sont brûlées ou transformées en mosquées... Rien qu'en juin 1896, dans la région de Van, au coeur de l'Arménie historique, pas moins de 350 villages sont rayés de la carte.

     

    Ces massacres planifiés ont déjà un avant-goût de génocide. L'Américain George Hepworth enquêtant sur les lieux deux ans après les faits, écrit : «Pendant mes déplacements en Arménie, j'ai été de jour en jour plus profondément convaincu que l'avenir des Arméniens est excessivement sombre. Il se peut que la main des Turcs soit retenue dans la crainte de l'Europe mais je suis sûr que leur objectif est l'extermination et qu'ils poursuivront cet objectif jusqu'au bout si l'occasion s'en présente. Ils sont déjà tout près de l'avoir atteint» (*).

     

    Les Occidentaux se contentent de plates protestations. Il est vrai que le «Sultan rouge» fait le maximum pour dissimuler son forfait et même paie la presse européenne pour qu'elle fasse silence sur les massacres.

     

    Abdul-Hamid II joue par ailleurs la carte de chef spirituel de tous les musulmans en sa qualité de calife. Il fait construire le chemin de fer du Hedjaz pour faciliter les pèlerinages à La Mecque. Il se rapproche aussi de l'Allemagne de Guillaume II. Mais ces initiatives lui valent d'être déposé en 1909 par le mouvement des «Jeunes-Turcs».

     

    À l'origine du sentiment national turc, ces derniers lui reprochent de livrer l'empire aux appétits étrangers et de montrer trop de complaisance pour les Arabes.

     

    Les «Jeunes-Turcs» veulent se démarquer des «Vieux-Turcs» qui, au début du XIXe siècle, s'opposèrent à la modernisation de l'empire.

     

    MUSTAPHA KEMAL

     

    Ils installent au pouvoir un Comité Union et Progrès (CUP, en turc Ittihad) dirigé par Enver pacha (27 ans), sous l'égide d'un nouveau sultan, Mohamed V.

     

    Ils donnent au pays une Constitution... ainsi qu'une devise empruntée à la France: «Liberté, Égalité, Fraternité».

     

    Ils laissent espérer un sort meilleur aux minorités de l'empire, sur des bases laïques. Mais leur idéologie emprunte au nationalisme le plus étroit.

     

    Confrontés à un lent démembrement de l'empire multinational et à sa transformation en puissance asiatique (l'empire ne possède plus en Europe que la région de Constantinople), ils se font les champions du «touranisme». Cette idéologie prône l'union de tous les peuples de langue turque ou assimilée, de la mer Égée aux confins de la Chine (Anatolie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, etc) (*).

     

    Dès leur prise de pouvoir en 1909, les Jeunes-Turcs, soucieux de créer une nation turque racialement homogène, multiplient les exactions contre les Arméniens d'Asie mineure. On compte ainsi 20.000 à 30.000 morts à Adana le 1er avril 1909...

     

    Ils lancent des campagnes de boycott des commerces tenus par des Grecs, des Juifs ou des Arméniens, en s'appuyant sur le ressentiment et la haine des musulmans turcs refoulés des Balkans.

     

    Ils réécrivent l'Histoire en occultant la période ottomane, trop peu turque à leur goût, et en rattachant la race turque aux Mongols de Gengis Khan, aux Huns d'Attila, voire aux Hittites de la haute Antiquité. Ce nationalisme outrancier ne les empêche pas de perdre les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913.

    La Turquie dans la guerre de 1914-1918

     

    Le 8 février 1914, la Russie impose au gouvernement turc une commission internationale destinée à veiller aux bonnes relations entre les populations ottomanes. Les Jeunes-Turcs ravalent leur humiliation mais lorsque la Grande Guerre éclate, en août de la même année, ils poussent le sultan Mahomet V à entrer dans le conflit, aux côtés des Puissances centrales (Allemagne et Autriche), contre la Russie et les Occidentaux.

     

    Le sultan déclare la guerre le 1er novembre 1914. Les Turcs tentent de soulever en leur faveur les Arméniens de Russie. Mal leur en prend... Bien qu'en nombre supérieur, ils sont défaits par les Russes à Sarikamish le 29 décembre 1914.

     

    L'empire ottoman est envahi. L'armée turque perd 100.000 hommes. Elle bat en retraite et, exaspérée, multiplie les violences à l'égard des Arméniens dans les territoires qu'elle traverse. Les Russes, à leur tour, retournent en leur faveur les Arméniens de Turquie. Le 7 avril 1915, la ville de Van, à l'est de la Turquie, se soulève et proclame un gouvernement arménien autonome.

     

    Dans le même temps, à l'initiative du Lord britannique de l'Amirauté, un certain Winston Churchill, les Français et les Britanniques préparent un débarquement dans le détroit des Dardanelles pour se saisir de Constantinople.

    Le génocide

     

    Les Jeunes-Turcs profitent de l'occasion pour accomplir leur dessein d'éliminer la totalité des Arméniens de l'Asie mineure, une région qu'ils considèrent comme le foyer national exclusif du peuple turc. Ils procèdent avec méthode et brutalité.

     

    L'un de leurs chefs, le ministre de l'Intérieur Talaat Pacha, ordonne l'assassinat des élites arméniennes de la capitale puis des Arméniens de l'armée, bien que ces derniers aient fait la preuve de leur loyauté (on a ainsi compté moins de désertions chez les soldats arméniens que chez leurs homologues turcs). C'est ensuite le tour des nombreuses populations arméniennes des sept provinces orientales (les Arméniens des provinces arabophones du Liban et de Jérusalem ne seront jamais inquiétés).

     

    Voici le texte d'un télégramme transmis par le ministre à la direction des Jeunes-Turcs de la préfecture d'Alep : «Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici».

     

    Le gouvernement destitue les fonctionnaires locaux qui font preuve de tiédeur, ainsi que le rapporte l'historien britannique Arnold Toynbee, qui enquêta sur place.

     

    Dans un premier temps, les agents du gouvernement rassemblent les hommes de moins de 20 ans et de plus de 45 ans et les éloignent de leur région natale pour leur faire accomplir des travaux épuisants. Beaucoup d'hommes sont aussi tués sur place.

     

    La «Loi provisoire de déportation» du 27 mai 1915 fixe le cadre réglementaire de la déportation des survivants ainsi que de la spoliation des victimes.

     

    Dans les villages qui ont été quelques semaines plus tôt privés de leurs notables et de leurs jeunes gens, militaires et gendarmes ont toute facilité à réunir les femmes et les enfants. Ces malheureux sont réunis en longs convois et déportés vers le sud, vers Alep, une ville de la Syrie ottomane.

     

    Les marches se déroulent sous le soleil de l'été, dans des conditions épouvantables, sans vivres et sans eau, sous la menace constante des montagnards kurdes, trop heureux de pouvoir librement exterminer leurs voisins et rivaux. Elles débouchent en général sur une mort rapide.

     

    Survivent toutefois beaucoup de jeunes femmes ou d'adolescentes (parmi les plus jolies) ; celles-là sont enlevées par les Turcs ou les Kurdes pour être vendues comme esclaves ou converties de force à l'islam et mariées à des familiers (en ce début du XXIe siècle, beaucoup de Turcs sont troublés de découvrir qu'ils descendent ainsi d'une jeune chrétienne d'Arménie arrachée à sa famille et à sa culture).

     

    En septembre, après les habitants des provinces orientales, vient le tour d'autres Arméniens de l'empire. Ceux-là sont convoyés vers Alep dans des wagons à bestiaux puis transférés dans des camps de concentration en zone désertique où ils ne tardent pas à succomber à leur tour, loin des regards indiscrets.

     

    Au total disparaissent pendant l'été 1915 les deux tiers de la population arménienne sous souveraineté ottomane.

     

    Les Européens et le génocide

     

    En Occident, les informations sur le génocide émeuvent l'opinion mais le sultan se justifie en arguant de la nécessité de déplacer les populations pour des raisons militaires !

     

    Le gouvernement allemand, allié de la Turquie, censure les informations sur le génocide. L'Allemagne entretient en Turquie, pendant le conflit, une mission militaire très importante (jusqu'à 12.000 hommes). Et après la guerre, c'est en Allemagne que se réfugient les responsables du génocide, y compris Talaat Pacha.

     

    Ce dernier est assassiné à Berlin le 16 mars 1921 par un jeune Arménien, Soghomon Tehlirian. Mais l'assassin sera acquitté par la justice allemande, preuve si besoin est d'une réelle démocratisation de la vie allemande sous le régime républicain issu de Weimar !

     

    Le traité de Sèvres signé le 10 août 1920 entre les Alliés et le nouveau gouvernement de l'empire ottoman prévoit la mise en jugement des responsables du génocide. Mais le sursaut nationaliste du général Moustafa Kémal bouscule ces bonnes résolutions.

     

    D'abord favorable à ce que soient punis les responsables de la défaite et du génocide, Moustafa Kémal se ravise car il a besoin de ressouder la nation turque face aux Grecs et aux Occidentaux qui menacent sa souveraineté. Il décrète une amnistie générale, le 31 mars 1923.

     

    La même année, le général parachève la «turcisation» de la Turquie en expulsant les Grecs qui y vivaient depuis la haute Antiquité. Istamboul, ville aux deux-tiers chrétienne en 1914, devient dès lors exclusivement turque et musulmane.

     

    Les nazis tireront les leçons du premier génocide de l'Histoire et de cette occasion perdue de juger les coupables... «Qui se souvient encore de l'extermination des Arméniens ?» aurait lancé Hitler en 1939, à la veille de massacrer les handicapés de son pays (l'extermination des Juifs viendra deux ans plus tard).

     

    À la vérité, c'est seulement dans les années 1980 que l'opinion publique occidentale a retrouvé le souvenir de ce génocide, à l'investigation de l'Église arménienne et des jeunes militants de la troisième génération, dont certains n'ont pas hésité à recourir à des attentats contre les intérêts turcs.

     

    Les historiens multiplient depuis lors les enquêtes et les témoignages sur ce génocide, le premier du siècle. Le cinéaste français d'origine arménienne Henri Verneuil a évoqué dans un film émouvant, Mayrig, en 1991, l'histoire de sa famille qui a vécu ce drame dans sa chair. On trouvera par ailleurs dans Le siècle des génocides (Bernard Bruneteau, Armand Colin, 2004) une très claire et très complète enquête sur ce génocide (et les autres), avec sources et références à l'appui.

    La France et le génocide arménien

     

    De nombreux Arméniens rescapés des massacres de 1915 ont débarqué à Marseille et se sont établis en France. Leurs descendants sont aujourd'hui 300.000 à 500.000.

     

    Dans le dessein de gagner leur vote à l'élection présidentielle de 2002, la droite et la gauche parlementaires ont voté à l'unanimité une loi réduite à un article : «La République française reconnaît le génocide arménien». Il en est résulté une crise avec la Turquie, déjà agacée par l'opposition de la France à son entrée dans l'Union européenne.

     

    En 2006, peu avant l'élection présidentielle suivante, le parti socialiste a fait de la surenchère en tentant de pénaliser la «négation» du génocide. Il y a échoué et son texte a été prestement enterré par le nouveau président, soucieux de restaurer de bonnes relations avec la Turquie.

     

    Mais à l'avant-veille de l'élection présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy lui-même a relancé le projet  pour retrouver la faveur des électeurs d'origine arménienne. C'est ainsi que le 22 décembre 2011, une députée UMP a déposé une proposition de loi qui punit d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende la négation, voire la «minimisation», d'un génocide reconnu par la République française.

     

    Les Turcs ont immédiatement menacé les entreprises françaises de mesures de rétorsion et l'affaire pourrait coûter très cher à la France, déjà victime d'une récession économique. Elle pourrait être contre-productive en Turquie même, où les citoyens de toutes obédiences se sentent peu ou prou atteints dans leur honneur par cette immixtion étrangère.

     

    Cette nouvelle loi mémorielle, plus de vingt ans après la loi Gayssot (1990), témoigne des incohérences entourant la liberté d'expression, alors que, par ailleurs, des artistes et des libéraux réclament la liberté de moquer sans limite toutes les religions. Elle illustre aussi la tentation des dirigeants politiques de détourner l'attention des citoyens de leurs échecs économiques, sociaux et diplomatiques.

     


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    1943

     

    Le Chant des Partisans

     

     

     

     

    Curieuse genèse que celle du Chant des Partisans , avec Emmanuel d'Astier de la Vigerie, Joseph Kessel, Maurice Druon et Anna Marly...

     

     

     

    À Londres, où se retrouvent, pendant la Seconde Guerre mondiale, les chefs de la Résistance, on cherche un indicatif musical pour l'émission Honneur et Patrie de la BBC. Emmanuel d'Astier de la Vigerie rêve d'un chant qui deviendrait la Marseillaise de la Résistance. «On ne gagne la guerre qu'avec des chansons... Il faut un chant qui ait l'air de venir des maquis», dit-il.

     

     

     

    Il se trouve qu'une jeune musicienne d'origine russe, Anna Marly, interprète avec succès dans les clubs de la ville une complainte où il est question de lutte et de corbeau. L'écrivain-journaliste Joseph Kessel est séduit. Il réunit la musicienne, son neveu Maurice Druon et quelques amis dans un hôtel de la banlieue de Londres et, le 30 mai 1943, le petit groupe livre un texte sur un cahier d'écolier : Les Partisans : chant de la Libération.

     

     

     

    Ce texte parachuté par les aviateurs britanniques va devenir le Chant des Partisans, l'hymne officiel de la Résistance française à l'occupation allemande (source : Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes).

     

    Le chant des partisans

     

     

     

    Ci-dessous les paroles de ce chant au rythme saccadé, sourd et brutal :

     

     

     

    Ami entends-tu

     

    Le vol noir des corbeaux

     

    Sur nos plaines.

     

    Ami entends-tu

     

    Les cris sourds du pays

     

    Qu'on enchaîne,

     

    Ohé partisans

     

    Ouvriers et paysans

     

    C'est l'alarme !

     

    Ce soir l'ennemi

     

    Connaîtra le prix du sang

     

    Et des larmes.

     

     

     

    Montez de la mine,

     

    Descendez des collines,

     

    Camarades.

     

    Sortez de la paille

     

    Les fusils, la mitraille,

     

    Les grenades.

     

    Ohé ! les tueurs

     

    À la balle et au couteau

     

    Tuez vite !

     

    Ohé ! saboteur

     

    Attention à ton fardeau.

     

    Dynamite.

     

     

     

    C'est nous qui brisons

     

    Les barreaux des prisons

     

    Pour nos frères.

     

    La haine à nos trousses

     

    Et la faim qui nous pousse,

     

    La misère.

     

    Il y a des pays

     

    Où les gens au creux des lits

     

    Font des rêves.

     

    Ici, nous vois-tu

     

    Nous on marche et nous on tue

     

    Nous on crève.

     

     

     

    Ici, chacun sait

     

    Ce qu'il veut, ce qu'il fait

     

    Quand il passe

     

    Ami, si tu tombes,

     

    Un ami sort de l'ombre

     

    À ta place.

     

    Demain du sang noir

     

    Sèchera au grand soleil

     

    Sur les routes.

     

    Sifflez compagnons,

     

    Dans la nuit, la liberté

     

    Nous écoute.

     

     

     

    Ami, entends-tu

     

    Les cris sourds du pays qu'on

     

    Enchaîne !

     

    Ami, entends-tu

     

    Le vol noir des corbeaux sur nos Plaines !

     


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    JEANNE D’ARC

     

     

    JEANNE D'ARC (8 MAI: ANNIVERSAIRE DE LA DÉLIVRANCE D'ORLÉANS)

     

     

     

    Figure de proue de l'histoire de France, Jeanne d'Arc mena une guerre pour libérer son pays de l'envahisseur anglais au XVème siècle. Répondant à un appel divin, elle aida Charles VII à devenir roi de France. Elle paya le prix fort pour ses convictions puisqu’elle fut condamnée pour hérésie et brûlée vive à Rouen en 1431.

     

     

     

    Une jeune fille très pieuse

     

     

     

    Jeanne d’Arc serait née en 1412 à Domrémy, en Lorraine, et serait issue d’une famille de paysans assez aisée. Jeune fille très pieuse, elle se rendait à l’église chaque samedi et pratiquait l’aumône pour les pauvres. Elle grandit alors que la guerre de Cent Ans secouait la France. Le roi d’Angleterre Édouard III revendiquait le trône de France suite au traité de Troyes mais la noblesse française s’y opposait et voulait que la couronne revienne au fils du défunt Charles VI, le dauphin Charles. Le royaume français était donc partagé entre les Anglais et les Bourguignons d'une part, et ceux qui étaient restés fidèles au dauphin Charles d'autre part.

     

     

     

    A douze ou treize ans, c'est dans le jardin de son père que Jeanne déclare avoir entendu des voix. Elle dit avoir eu très peur la première fois. Ces voix célestes lui auraient donné l’ordre de ramener le Dauphin sur le trône et de libérer la France de la présence anglaise. Elle résista pendant quatre ans avant de répondre à cet appel. 

     

     

     

    Accomplir sa mission

     

     

     

    Obéissant aux voix qu’elle entendait, Jeanne part à Vaucouleurs pour rencontrer le capitaine Robert de Baudricourt, le représentant du dauphin Charles. Elle le convainc de l’aider à obtenir une audience auprès du Dauphin. Une prophétie (que beaucoup connaissaient) annonçait qu'une vierge provenant des marches de Lorraine sauverait le royaume perdu.

     

     

     

    Jeanne d’Arc part à Chinon pour rencontrer le futur Charles VII. La légende veut qu’elle ait réussi à le reconnaître dans l’assemblée alors qu’il portait des vêtements simples. Elle lui fait part des voix qu’elle a entendues. Méfiant, Charles lui fait subir des interrogatoires menés par les autorités religieuses à Poitiers, qui vérifient entre autres sa virginité. Elle leur fait quatre prédictions : les Anglais lèveront le siège d'Orléans, le roi sera sacré à Reims, Paris rentrera dans le domaine royal de Charles et enfin, le duc d'Orléans reviendra de sa captivité en Angleterre. Charles accepte de lui confier une armée pour libérer Orléans des mains des Anglais.

     

     

     

    Celle que l’on surnomma la Pucelle partit pour Orléans vêtue d’une armure et d’une épée. Elle envoya une missive aux Anglais pour les prévenir de sa venue et leur demander de quitter Orléans. Les Anglais refusèrent. Ils voyaient en cette femme une sorcière, une personne maléfique. De son côté, Jeanne, poussée par sa foi,  redonnait confiance aux troupes de soldats désespérés. Dans la nuit du 7 au 8 mai 1429, Jeanne remporte la victoire contre les Anglais et la nouvelle se répand dans toute la France. Elle poursuit son chemin en remontant vers Reims, soumettant de gré ou de force chacune des villes sur son passage. Le 17 juillet 1429, Charles est couronné roi de France dans la cathédrale de Reims en présence de Jeanne et prend le nom de Charles VII. Jeanne d’Arc a rempli la moitié de sa mission. Il lui restait à marcher sur Paris.

     

     

     

    La capture, le procès et l’exécution

     

     

     

    Jeanne d’Arc tente ensuite de libérer Paris avec l’accord du roi. Mais cette tentative se solde par un échec. Elle est faite prisonnière à Compiègne le 23 mai 1430 par les Bourguignons qui la vendent aux Anglais pour 10 000 livres. Elle est emmenée à Rouen pour être jugée par un tribunal. On l’accuse d’hérésie.  Les Anglais cherchaient à la discréditer car son charisme redonnait espoir au peuple français

     

    .

     

    Jeanne la Pucelle comparaît à Rouen devant un tribunal composé de 40 membres et présidé par Pierre Cauchon, évêque de Beauvais et partisan des Anglais. La première séance publique a lieu le 21 février 1431 dans la chapelle royale du château de Rouen. Le 24 mai, Jeanne d'Arc abjure et reconnaît ses péchés avant de se rétracter le 28.  Elle est brûlée vive sur la place du Vieux-Marché à Rouen, le 30 mai 1431. Jusqu’au dernier moment, le roi Charles VII n'est pas intervenu pour la délivrer alors qu’elle l'avait aidé à accéder au trône.

     

     

     

    Vingt-cinq ans plus tard, un second procès, organisé par Charles VII sur la demande de la mère de Jeanne et du pape Calixte III, casse le jugement et réhabilite Jeanne d’Arc. Elle est ensuite canonisée en 1920 par Benoît XV.

     

     

     

     

     

    Jeanne d’Arc, portée par sa foi, n’a pas hésité à briser les conventions de son époque et à se battre contre les armées anglaises pour mener à bien sa mission. Son histoire est parfois enjolivée, mais elle occupe une place à part dans l'histoire de France. La destinée tragique et la part de mystère qui plane sur sa vie a inspiré nombre d’écrivains (Shakespeare, George Bernard Shaw, Jean Anouilh…), de cinéastes (Victor Flemming, Roberto Rossellini, Luc Besson…) et de musiciens (Verdi, Tchaïkovski).

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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    De François Mitterrand à François Hollande

     

     

    DE MITTERRAND À HOLLANDEDE MITTERRAND À HOLLANDE

     

     

     

     

    Dans la Ve République, la première année du mandat présidentiel est généralement celle de toutes les réformes. Ainsi avons-nous pu comparer il y a cinq ans les premiers pas des six premiers présidents de la République.

     

     

     

    Voici une mise en parallèle des débuts des deux présidents socialistes...

     

     

     

    L’élection le 6 mai 2012 du deuxième président socialiste de la Ve République conduit de façon naturelle à tenter une comparaison entre le bilan de sa première année et celui de son prédécesseur François Mitterrand.

     

     

     

    François Mitterrand (1916-1996)Celui-ci fut élu à l'arraché en 1981 alors que la gauche n’avait jamais gouverné sous la Ve République, la droite y détenant tous les pouvoirs depuis 1958 sous les trois présidences successives du général de Gaulle, de Georges Pompidou et de Valéry Giscard d’Estaing.

     

     

     

    La gauche était restée éloignée des réalités pendant vingt-trois ans d’opposition, qu’il a fallu purger au cours des deux premières années d’exercice du pouvoir, avant le dur retour à la réalité et à l’acceptation des contraintes économiques européennes et mondiales.

     

     

     

    Ce «tournant de la rigueur», qui n’a jamais été remis en cause depuis, fut effectué par le gouvernement Mauroy et son ministre de l’Économie Jacques Delors, au lendemain de la défaite des élections municipales de mars 1983. Le ministre du Budget Laurent Fabius passait à cette occasion à l’Industrie. Il allait être nommé à Matignon comme Premier ministre un an et demi plus tard, en juillet 1984, après la crise de l’école privée.

     

     

     

    François Hollande, né en 1957De son côté, François Hollande entre à l’Élysée en 2012 sans grand suspense, en bénéficiant de l'usure du président sortant, après que la gauche ait été exclue du pouvoir pendant dix ans.

     

     

     

    Elle avait auparavant exercé pendant quinze ans les responsabilités gouvernementales, au cours de trois périodes quinquennales entrecoupées de cohabitations ou d’alternances politiques : 1981-1986, qui vit le tournant de la rigueur (mars 1983) ; 1988-1993, qui vit la négociation du traité de Maastricht sur la monnaie unique approuvé par référendum sous le gouvernement de Pierre Bérégovoy, enfin 1997-2002, qui vit la qualification de la France pour l’euro sous le gouvernement de Lionel Jospin.

     

     

     

    À l'encontre de son prédécesseur, François Hollande se propose de devenir «un président normal». François Mitterrand se place, lui, de façon somme toute similaire, sous le slogan de «la force tranquille», mais il ne s'agit que d'un slogan de campagne.

     

    Similitudes en trompe-l'œil

     

     

     

    Les bilans de la première année des deux présidents socialistes doivent distinguer les aspects politiques et sociétaux, pour lesquels les ressemblances l’emportent, et les aspects économiques pour lesquels la voie désormais très restrictive imposée par l'Europe explique la majeure partie des dissemblances.

     

     

     

    Dans le domaine sociétal, François Mitterrand entame sa présidence par l’abolition de la peine de mort, une réforme défendue par son garde des Sceaux Robert Badinter. Elle ramène la France dans le peloton européen et fera date bien qu’elle concerne peu de monde.

     

     

     

    De même, François Hollande fait voter par sa garde des Sceaux Christiane Taubira le mariage homosexuel, promesse de campagne déjà en application dans une dizaine de pays occidentaux (elle est votée au même moment par le Parlement britannique sans émotion particulière). Cette réforme concerne assez peu de monde. Elle n'en soulève pas moins une très vive opposition dans la rue, à la différence de l'abolition de la peine de mort. On peut penser que, comme celle-ci, elle fera date dans les esprits.

     

     

     

    Le président retoque par ailleurs des dispositions judiciaires et pénales de son prédécesseur, jugées trop répressives par la gauche, de même que Mitterrand avait retoqué la loi «Sécurité et Liberté».

     

     

     

    Sur le plan politique, François Hollande désigne un Premier ministre Jean-Marc Ayrault très semblable à Pierre Mauroy. L'un et l'autre sont des professeurs de collège devenus député-maire d’une grande ville et responsables socialistes proches du président. Ils entrent à Matignon avec un espoir de reprise économique vite déçu.

     

     

     

    Le nouveau président, comme son devancier socialiste, se tient en retrait des affaires courantes. Au sein du gouvernement, assez mollement dirigé par le Premier ministre, chacun fait entendre sa petite musique et la cacophonie devient vite assourdissante au point d'obliger le chef de gouvernement à s'en justifier.

     

    Dissemblances économiques et sociales

     

     

     

    François Mitterrand, en septembre 1981, s'était résigné à dévaluer la monnaie pour donner de l'air à l'économie, malmenée par des réformes sociales pour le moins audacieuses (augmentation massive des prestations sociales et du salaire minimum, cinquième semaine de congés payés, retraite à 60 ans au lieu de 65, semaine de 39 heures etc). Léon Blum, en février 1937, avait agi de même, tout comme, de l'autre côté de l'Atlantique, un autre réformateur «de gauche», Franklin Roosevelt, en mars 1934.

     

     

     

    À leur grande différence, le nouveau président ne dispose pas du levier monétaire. Obligé par la monnaie unique, il confirme le respect des engagements budgétaires européens pris par ses prédécesseurs, même s'il doit en rabattre sur le retour aux 3% de déficit budgétaire à l'horizon 2013 à cause de la langueur économique.

     

     

     

    Ce contexte empêche toute relance budgétaire massive comme en 1981 et limite fortement ses marges de manœuvres. Le bilan de sa première année fait pâle figure puisqu’il se limite à quelques mesures ciblées peu coûteuses, ayant vocation à servir de marqueurs pour la gauche : élargissement des dérogations Fillon pour le départ en retraite à 60 ans, création laborieuse d’une tranche d’imposition à 75%, promesse de 60.000 postes dans l’enseignement...

     

     

     

    Le gouvernement Mauroy avait, sans coup férir, nationalisé les principaux groupes industriels et bancaires, sauvant plusieurs d'entre eux d'une déconfiture financière. Le gouvernement Ayrault se montre quant à lui pusillanime pour séparer dans le secteur bancaire les activités de dépôt des activités d'affaires.

     

     

     

    En matière sociale, sa réforme de la législation sur l’emploi va plutôt à rebours des lois Auroux de 1982. Et la droite n'aurait pas désavouée son plan d’amélioration de la compétitivité avec un crédit d’impôt aux entreprises partiellement financé par des hausses de TVA prenant effet début 2014.

     

     

     

    En matière administrative, aux lois de décentralisation de 1981-1982 s'oppose le calme plat, sans aucune mesure pour remédier au chevauchement coûteux des compétences chez les élus locaux, et avec des lois sur le cumul des mandats et la «moralisation» de la vie politique dont la mise en oeuvre se fait attendre.

     

    Le poids de l'impopularité

     

     

     

    Au terme de ce survol, la première année de présidence de François Hollande témoigne d'un bilan étique, quelle que soit l'opinion que l'on ait par ailleurs sur celui de ses prédécesseurs, et en particulier de François Mitterrand.

     

     

     

    On peut y voir la principale raison du record d'impopularité de l'exécutif français après une année de pouvoir, ainsi qu'il ressort des sondages. Peut-être n'est-ce après tout que la conséquence de la perte de souveraineté de la France et de ses citoyens au profit des bureaux de Bruxelles ?...

     

     

     

    François Mitterrand, quant à lui, avait conservé peu ou prou le soutien de son électorat en dépit des diatribes du camp adverse, lorsque le chef de l’opposition Jacques Chirac claironnait que l’expérience socialiste ne durerait pas un an et se terminerait, comme le Cartel des gauches en 1924 ou le Front Populaire en 1936, par le retour rapide de la droite.

     

     

     

    En dépit du torrent d'injures de l'opposition, sa popularité fut seulement ébréchée après la deuxième dévaluation de juin 1982, accompagnée d’un plan de rigueur avec blocage des prix et fin de l’indexation automatique des salaires sur les prix. Et c'est seulement début 1983 que les sondages basculèrent en sa défaveur. À chacun d'interpréter ces différences de parcours entre François I et François II : affaire de personnalité? d'habileté manœuvrière? de conjoncture?

     

    Michel Psellos

     


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