• DES RAISONS DE SE TAIRE

     

    DES RAISONS DE SE TAIRE

     

     

     

     

    ECOUTES

     

    Nous parlons, ils écoutent. Nous écrivons, ils copient. Nous piapiatons et réléchissons à haute voix, ils notent. Nous échangeons des nouvelles, ils enregistrent. Ils stockent nos courriels et les « documents attachés » dans d’immenses hangars, vastes comme le Pentagone, bourrés d’électronique et d’ordinateurs géants. Les grands du Web, tous Américains, leur donnent les clés de nos messageries. Les révélations de nos confrères du Monde sur l’ampleur de l’espionnage auquel se livrent nos « amis Américains » de la NSA dépassent l’imagination.

    Tous surveillés ! L’affaire est tellement énorme que l’on hésite entre l’indignation et l’hilarité. C’est à se taper le front.

    L’indignation, tout le monde a donné. Cela ne fait de tort à personne de tempêter, de convoquer les ambassadeurs séance tenante, de téléphoner à Obama, d’appeler les Européens à trouver une parade collective. Et de s’attirer la réplique du patron des renseignements américains selon lequel tout cela est « inexact ». Allez vérifier… Nos protestations sont comme des piqûres de moustiques sur la carapace d’un éléphant écrasant tout sur son passage.

    Mais il y a aussi de quoi sourire de cette mégalomanie paranoïde.

    « Soixante-dix millions d’écoutes » de Français (rien que de Français…) sur une période de quelques mois. Et, le 24 décembre 2012, un « pic » de « sept millions d’écoutes » de nos concitoyens. Que s’est-il donc passé de particulier, ce jour-là ? Nous sommes aujourd’hui en mesure de le révéler.

    À chacun ses scoops. Ce 24 décembre 2012, nous étions, igurez- vous, en train de préparer la veillée de Noël. Des millions de Français se sont mis à se téléphoner frénétiquement, qui pour demander s’il fallait « apporter le champagne », qui pour s’assurer de l’horaire de la messe dite de minuit. D’autres pour vérifier que les enfants avaient bien mis leurs souliers devant la cheminée ou pour annoncer la hauteur de la neige dans leur station préférée.

    Munis de ces précieux renseignements, les espions de l’Utah ou du Nevada ont soigneusement archivé ces millions de données stratégiques. Ils les ont classées par genre et par mots-clés : « veillée », « jouets », « ski », « messe », et des réunions ont été organisées pour interpréter ces occurrences et récurrences, voir en quoi cela menaçait la tranquillité de l’Amérique et se demander si l’expression « petit papa Noël », qui revenait bizarrement, ne cachait pas, de façon codée, le mot Kalachnikov.

    Se protéger de cette indiscrétion impériale devrait être possible. Il suffirait de se taire et de ne rien écrire. Plus un mot, plus un texte, rien que des mimiques entre nous, désormais. Le langage des signes. Mais cela marcherait un certain temps seulement car, n’en doutons pas, des satellites espions rôdent déjà autour de nous et ne tarderaient pas à être équipés de caméras destinées à enregistrer nos millions de grimaces, à les stocker dans de nouveaux hangars, à trouver la manière de les traduire. Quand les États-Unis disposeront de toute la mémoire du monde, gardant trace de tout ce qui se dit sur terre, ils seront sûrement en sécurité derrière des murailles de mots montant jusqu’au ciel de leur nuisance.

     

    Leonarda

     

    Et la famille Dibrani, où était-elle le 24 décembre 2012 ? De quoi parlait-on en famille ? Du petit Jésus ? Des menaces de reconduite à la frontière ? Avec l’aide de la NSA, on devrait finir par le savoir. Une chose est sûre : Leonarda n’avait pas eu à sécher les cours, cette fois, puisqu’elle était en vacances, comme tout un chacun. Quant au papa, était-il en train de traficoter une vieille bagnole pour la stocker avec d’autres carcasses devant le centre d’accueil où la famille était logée ? Mystère sur ce point, comme sur tant d’autres…

    Parmi les mystères de cette affaire, qui en compte beaucoup, il en est un qu’on ne peut s’empêcher de relever ici, au risque de recevoir une volée de bois vert, mais on a   l’habitude. Combien, parmi les protestataires, parmi ceux qui ont poussé tant de clameurs au sujet du sort de cette famille, ont pris la peine de lire, en son entier, le rapport de l’inspection générale de la police ? Et, parmi ceux qui l’auront fait (il est partout sur le Web et sans doute stocké aussi dans le Nevada…), combien auront éprouvé une perplexité sur tel ou tel épisode ? Sur telle ou telle attitude du papa et de sa fille ? Ne les accablons pas, bien sûr, ne jugeons personne mais, comme l’a dit le maire de Paris, et lui seul, il y a des familles plus faciles à défendre que d’autres. 

    Le papa, qui s’est répandu sur les antennes et organise les conférences de presse de sa fille au Kosovo (conférences quasi quotidiennes) est, pour le moins, un personnage habile, manipulateur, usant du mensonge quand cela lui paraît nécessaire. Au point d’avoir découragé jusqu’à certains membres du comité de soutien de sa nombreuse famille. Quand même, s’il tient tant que cela à devenirfrançais il pourrait faire un effort, un tout petit effort, pour respecter les lois de la France et ne pas dénigrer, de loin, ses dirigeants.

     

    Serrault

     

    Puisqu’on parle de père, en voici un au sujet duquel il n’y a aucun procès à monter, aucun doute à émettre : Michel Serrault, l’immense acteur, le prodigieux « clown triste », décédé il y a sept ans, en plein été. Robert Migliorini avait signalé la semaine dernière dans La Croix l’excellent documentaire consacré, l’autre mercredi, à Serrault dans la très bonne émission de Laurent Delahousse sur France 2. Nous l’avons regardé avec retard.

    Qui, parmi nous, savait que le carburant de Serrault provenait en même temps de sa grande foi en Dieu et d’une tragédie survenue dans sa vie, en 1977, quand l’aînée de ses deux filles adorées avait été tuée dans un accident de la circulation tandis qu’il l’attendait, pour des retrouvailles programmées ?

    Cette foi et cette fêlure, plusieurs témoins de l’émission les ont soulignées. Françoise Dorin, qui se trouvait en compagnie de Serrault lorsqu’on lui apprit le décès de sa ille, a raconté qu’il s’était longuement tapé, au sens propre, la tête contre les murs. Le lendemain, il devait tourner une scène de ilm, une scène…d’obsèques. Il se rendit au tournage. Il « joua », dans un silence total. Un long travelling, le long du mur d’un cimetière, nous le montre digne, terrassé, muet. Il y avait de quoi hurler, il se taisait. C’était une manière de prière.

    Jean FRAPPAT (La Croix, 29/10/13)

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  • Commentaires

    1
    Lundi 28 Octobre 2013 à 14:54

    je n'arrive toujours pas à vous adresser de message électronique : la faute de la NSA?

     

     

    dominique

     

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