• Église de France et société

     

     MARIAGE POUR TOUS?

     

    Poursuivons le dialogue !

     

     

     

    Perspectives après le vote de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe

     

     

     

    Après la promulgation de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, le 18 mai 2013, le Conseil Famille et société de la Conférence des évêques de France publie une nouvelle note. Elle est adressée aux délégués diocésains à la pastorale familiale et se donne pour objectif d’« aider les communautés catholiques à surmonter leurs différences d’approche et à approfondir le dialogue ». Elle rappelle notamment les enseignements positifs du débat et indique la perspective de nouveaux sujets d’approfondissement dont les catholiques peuvent s’emparer, dans l’attention aux plus vulnérables.

     

     

     

    Texte de la Conférence des évêques de France  (4/6/13)

     

     

     

    Mai 2013 Les débats et manifestations autour de la loi ouvrant le mariage aux personnes du même sexe ont été l’occasion de constater que ce projet de réforme a divisé la communauté nationale. Une incompréhension s’est installée entre partisans et adversaires de la réforme et des divergences sont apparues sur la façon d’exprimer les désaccords. Une radicalisation est observable aujourd’hui. Cela n’est pas sans écho au sein même des communautés catholiques et les responsables de la pastorale des familles ont, parmi d’autres, exprimé le besoin de disposer d’éléments de discernement et de pistes de travail pour poursuivre la réflexion. Le Conseil Famille et société de la Conférence des évêques de France propose donc ce texte pour aider les communautés catholiques à surmonter leurs différences d’approche et à approfondir le dialogue. Si la foi chrétienne est bien une ressource qui donne sens à nos vies, alors il est possible de s’écouter et de s’entendre pour dire en quoi elle est aujourd’hui source d’orientation et d’inspiration éthique au sein d’une société pluraliste et sécularisée.

     

     

     

    Les enjeux de la réforme

     

     

     

    Ce texte s’inscrit dans la suite de la note publiée par le Conseil Famille et société en septembre 2012 (1). Il faut rappeler qu’à l’époque, aucune discussion n’était prévue ni même possible. Parce qu’il figurait dans les propositions du candidat François Hollande, le projet de loi emportait, aux yeux du gouvernement, de facto l’adhésion de la majorité des Français. Dans sa note, le Conseil Famille et société avait choisi de se placer sur le terrain juridique et anthropologique pour favoriser le dialogue avec le plus grand nombre de personnes possible. Il y donnait un éclairage sur les raisons qui pouvaient conduire à réclamer cette transformation du mariage civil. Il y expliquait aussi pourquoi cette transformation du mariage lui semblait une réponse inadéquate à la demande de reconnaissance des personnes de même sexe. Il invitait le législateur à ne pas se laisser enfermer dans une querelle de droits individuels, mais à chercher à protéger le bien commun. Il soulignait enfin que le mariage était une institution. Non réductible à l’amour entre deux personnes, elle instaurait pour la société un lien entre l’amour fidèle d’un homme et d’une femme et la naissance d’un enfant. Cette institution signifiait à tous que la vie est un don, que les deux sexes sont égaux et indispensables à la vie et que la lisibilité de la filiation est essentielle pour l’enfant. Cet ensemble constituait bien l’enjeu de la réforme et pas uniquement la question de l’égalité de traitement entre les couples de même sexe et les autres. C’est en raison de l’ampleur de ces enjeux pour l’ensemble de la société que le texte publié en septembre 2012 demandait que soit ouvert un large débat. Il offrait aussi aux catholiques des éléments de discernement pour y participer. De nombreuses communautés catholiques s’y sont référées pour organiser des rencontres. Entre temps le projet de loi a été examiné par l’Assemblée nationale et par le Sénat pour être finalement adopté en seconde lecture, le 23 avril 2013 par l’Assemblée nationale, dans une version proche de la proposition initiale du gouvernement ouvrant le mariage et l’adoption plénière aux couples de même sexe. Après validation par le Conseil constitutionnel, la loi a été promulguée par le président de la République le 18 mai 2013.

     

     

     

    De nombreux clivages

     

     

     

    Durant toute cette période, le débat recherché a bien eu lieu et les contributions des parties prenantes, y compris celles des religions ont pu être exposées. Pour autant, le sentiment demeure que ces contributions n’ont pas été écoutées ou comprises. L’ampleur des manifestations publiques est pour une large part la conséquence du sentiment que des objections de caractère fondamental, dépassant le terrain religieux et touchant au socle de la vie commune, étaient rejetées ou ignorées. De façon générale et pour des raisons diverses, beaucoup de personnes sortent avec un sentiment de malaise de cette période de débat. Ainsi, en forçant quelque peu le trait, certains estiment que la réforme ne modifie en rien le mariage quand celui-ci reconnaît l’amour entre deux êtres, alors que d’autres pensent qu’elle vide le mariage de sa substance lorsque celui-ci fait fi de la différence sexuelle. Certains analysent la réforme comme un progrès à l’égard de l’égalité des droits, d’autres craignent l’effondrement de la société incapable de reconnaître la différence comme mode d’identification humaine. Certains dénient à l’Église le droit d’intervenir dans les questions de société, d’autres auraient voulu qu’elle soit à la pointe du combat politique. Certains invoquent l’amour miséricordieux de Dieu pour plaider en faveur de la loi, d’autres invoquent l’amour créateur de Dieu pour s’y opposer. Certains estiment que le débat politique a été escamoté, d’autres estiment que le débat à l’intérieur de l’Église a été escamoté. Comment dépasser de telles oppositions ?

     

     

     

    La complexité du jugement éthique

     

     

     

    En fait, beaucoup de personnes percevaient les différents aspects qui semblent s’opposer. Elles se sentaient tiraillées entre la volonté de donner tout son sens au mariage basé sur l’altérité des sexes et la volonté de ne pas rejeter des personnes homosexuelles. Le projet de réforme les forçait à choisir l’un ou l’autre. Les contre-propositions cherchant à concilier les deux aspects n’ont pas reçu d’écho politique. Mais, au-delà de la question de la formulation politique du projet de réforme, ces clivages, vécus douloureusement à l’intérieur des personnes comme à l’intérieur des communautés chrétiennes, sont aussi révélateurs de la complexité du jugement éthique en situation pluraliste et invitent à approfondir notre réflexion. Ils signalent que le jugement éthique lui-même est devenu pluraliste. Chacun invoque sa conscience et on ne saisit plus s’il existe encore des fondements communs pour se prononcer sur ces grandes questions où l’avenir de l’homme se dessine. Ainsi assiste-t-on à l’émergence troublante de nouvelles manières de juger les situations. Dépendantes des émotions, de la narration ou du ressenti individuel, elles laissent peu de place aux arguments de raison. Cette donnée de fait doit être prise en compte par quiconque veut pratiquer le dialogue : il lui faut aussi prendre en compte l’histoire personnelle de chacun et tenter de l’y rejoindre, ce qui signifie aussi d’assumer sa propre histoire. Cette complexité du jugement éthique dans une société pluraliste et sécularisée n’empêche pas, d’une part, de tirer les enseignements positifs de ce temps de débat et, d’autre part, de formuler des pistes de réflexion pour approfondir le dialogue.

     

     

     

    1. Les enseignements positifs de ce temps de débat

     

     

     

    Ces derniers mois ont montré toute l’exigence de la vie en démocratie. Ils ont servi l’émergence de problématiques essentielles autour de l’intérêt supérieur de l’enfant, de l’évocation de la condition homosexuelle et du refus de l’homophobie. Ce sont des acquis positifs du débat.

     

     

     

    1.1 Vivre l’exigence démocratique

     

     

     

    L’exercice de la démocratie suppose d’admettre dès le départ que les divergences d’opinion sont légitimes. Sur cette base, les citoyens et leurs organisations peuvent exprimer librement leur point de vue, dans le respect des autres. Chacun mérite ainsi d’être écouté et respecté dans ses convictions profondes. Le débat doit normalement permettre d’améliorer un projet de façon à recueillir l’adhésion du plus grand nombre. Le mépris, la violence verbale ou physique n’ont pas leur place dans le jeu démocratique. Ils sont, pour les chrétiens, antagoniques avec la liberté religieuse dont ils se réclament.

     

    Respecter la laïcité

     

     

     

    La laïcité de l’État, telle qu’elle s’est approfondie en France depuis la loi de 1905 qui en définit les règles, ne fait pas obstacle à une expression des religions dans le débat public. La laïcité de l’État n’implique pas une laïcité de la société. La laïcité accueille dans l’espace public les opinions et contributions à la recherche de l’intérêt général, exprimées au nom d’une conviction religieuse ou spirituelle, car elle reconnaît la richesse du pluralisme. L’Église, comme toute association, peut faire entendre ses arguments ; les catholiques, comme tous les citoyens, peuvent prendre la parole. Bien sûr, il ne peut être question d’imposer la foi ou un point de vue religieux. La participation des catholiques au débat public se fait à partir d’une vision de l’homme qui trouve sa source dans la raison éclairée par la foi chrétienne.

     

     

     

    Assumer une position minoritaire

     

     

     

    Les catholiques prennent aujourd’hui conscience que cette vision n’est plus ni connue ni partagée par tous. Même lorsqu’elle est partagée, les conséquences politiques à en tirer peuvent diverger. À l’intérieur de la communauté catholique ces divergences ne mettent pas en danger l’unité ecclésiale, pas plus que l’issue d’un vote démocratique ne rejette les catholiques en dehors de la communauté nationale. Lors de sa dernière Assemblée plénière, par la voix de son président, la Conférence des évêques de France s’est exprimée sur la situation créée par l’adoption du projet de loi et sur sa portée au regard de la cohésion nationale. Elle a aussi invité les catholiques à se comporter comme citoyens, assumant une position minoritaire en démocratie. C’est une preuve de maturité démocratique que d’accepter sans violence que son propre point de vue ne soit pas retenu. C’est une preuve de maturité sociale que de reconnaître que le débat politique n’épuise pas le débat éthique et anthropologique sur les grandes questions du sens de l’existence. On peut continuer à provoquer de multiples manières la réflexion sur nos visions du monde et leurs conséquences pour la vie de tous et tout particulièrement des plus vulnérables d’entre nous. C’est une preuve de maturité spirituelle que de croire que ce ne sont pas les paroles qui importent pour exprimer une conviction, mais davantage encore le témoignage et l’engagement d’une vie au service du prochain, nourrie par la foi au Christ. À cet égard, les communautés catholiques auront aussi à accompagner les nombreux jeunes qui ont spontanément et pacifiquement pris part aux débats et aux manifestations. Il s’agit à la fois de saluer et de soutenir leur engagement tout en assurant leur formation, notamment dans le domaine de la doctrine sociale, pour favoriser ce témoignage à la suite du Christ.

     

     

     

    1.2 L’intérêt supérieur de l’enfant

     

     

     

    Un très large courant, dépassant le clivage autour du mariage ouvert aux personnes de même sexe, a exprimé le souhait que l’intérêt supérieur de l’enfant soit mieux pris en considération dans le contexte de la loi sur l’ouverture du mariage, et bien plus largement dans celui des réformes envisagées qui touchent à la vie familiale, à la protection de l’enfance et de la jeunesse, à la vie scolaire. Ce concept d’intérêt supérieur de l’enfant est porté au niveau international par une Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par notre pays, et sur lesquels veille en France le Défenseur des droits. Mieux expliqué et mieux compris, ce concept aurait permis de clarifier les malentendus entre différents points de vue se réclamant du bien des enfants déjà nés ou à naître. Il aurait aussi permis à nombre de personnes, favorables au « mariage pour tous » mais hostiles à l’adoption, de réaliser le lien étroit entre l’accès au mariage et l’accès à l’adoption. La revendication de préserver une filiation lisible pour tous les enfants a été clairement exprimée, mais n’a pas été retenue par le législateur. Dans sa décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel a érigé « l’intérêt de l’enfant » en exigence constitutionnelle. Cela renforce l’exigence que toute décision d’adoption doit être conforme à l’intérêt de l’enfant. Le Conseil a également jugé que la loi n’a ni pour objet ni pour effet de reconnaître un « droit à l’enfant ». Le rejet très net de toute instrumentalisation crée l’espoir que ce souci de protéger l’enfant, figure du plus faible parmi nous, permettra de trouver une majorité pour s’opposer à un élargissement des cas autorisés pour la procréation médicalement assistée et à la légalisation de la gestation pour autrui.

     

     

     

    1.3 L’accueil dans l’Église des personnes homosexuelles

     

     

     

    Comme le dénonçait le premier texte du Conseil Famille et Société, l’homophobie existe toujours dans la société et dans nos communautés catholiques. Les débats autour du projet de loi ont eu un double effet. D’un côté, une homophobie, jusque-là latente, s’est exprimée au grand jour avec une violence surtout verbale mais dans quelques cas aussi physiques. Cela est inadmissible et doit être fermement condamné. Ces expressions homophobes ont blessé et troublé de nombreuses personnes. De l’autre côté, les accusations répétées et généralisées d’homophobie, à l’adresse des opposants s au projet de loi, ont injustement disqualifié les motivations profondes qui les animaient.

     

     

     

    L’accueil inconditionnel

     

     

     

    L’homophobie, comme toute forme de discrimination, est inacceptable. Pour les communautés catholiques, l’accueil inconditionnel de toute personne est premier. Toute personne, indépendamment de son parcours de vie, est d’abord un frère ou une sœur dans le Christ, un enfant de Dieu. Cette filiation divine transcende tous les liens humains de famille. Chaque personne a droit à un accueil aimant, tel qu’il est, sans avoir à cacher tel ou tel aspect de sa personnalité. L’accueil inconditionnel de la personne n’inclut absolument pas une approbation de tous ses actes. Cet accueil constitue cependant la condition première de toute relation, selon l’exemple donné par le Christ lui-même.

     

     

     

    La miséricorde et la loi

     

     

     

    Pour accueillir, les communautés chrétiennes n’ont pas à choisir entre la loi ou la miséricorde. C’est la miséricorde qui ouvre le chemin par lequel chaque personne rendue à sa dignité et à sa liberté, peut s’engager librement sur une voie exigeante de conversion et de croissance. Ce que la foi désigne comme loi n’est pas un diktat moral, mais le signe que, par un comportement d’humilité, la rencontre avec l’amour divin devient possible. C’est une rencontre avec le Christ qui va conduire une personne à opérer des changements dans sa vie. Tout en sachant que cela leur échappe, les communautés chrétiennes ont à favoriser cette rencontre, à témoigner de l’action de Dieu dans la vie de chacun et à accompagner des cheminements, sans jamais juger les cœurs. De ce point de vue, le Conseil famille et société reconnaît que beaucoup peut encore être fait pour mieux accueillir et accompagner les personnes homosexuelles et leurs familles. Les incompréhensions apparues à propos de la loi au sein des communautés catholiques sont à la fois révélatrices de cette situation, mais peuvent aussi aboutir à une meilleure prise en considération de cette responsabilité par les communautés qui sont invitées à approfondir le débat sur différents points.

     

     

     

    2 De nouveaux sujets d’approfondissement

     

     

     

    La réflexion autour de la réforme du droit de la famille a conduit beaucoup de catholiques à s’interroger sur les raisons d’être de leur positionnement. Être catholique implique-t-il d’être toujours « contre » les réformes de société présentées comme des progrès par d’autres ? Comment, après avoir dissipé les accusations d’homophobie, expliquer la richesse spécifique du mariage chrétien qui mérite d’être recherchée et que l’on souhaite partager ? Ce sont des questions, plus éloignées du débat politique, pour lesquelles le Conseil Famille et société propose des éléments de discernement. Les pistes qui suivent veulent encourager les catholiques à approfondir ensemble ces thématiques et à en débattre avec toutes les personnes de bonne volonté.

     

     

     

    2.1 Une vision de l’homme…

     

     

     

    Dans la vision chrétienne, l’homme est un être relationnel. Créé à l’image et à la ressemblance du Dieu trinitaire, il naît d’une relation et se construit en tant que personne à travers de multiples relations et en premier lieu à travers ses relations de famille. L’être humain n’est donc pas un individu isolé, un îlot perdu. C’est une personne, toujours reliée à d’autres personnes. Sa liberté et son indépendance n’existent pas en dehors des autres ou en faisant abstraction des autres. Elles n’existent que dans la juste relation aux autres. Le Christ, à travers sa vie, sa mort et sa résurrection, nous montre la relation étroite qui l’unit à son Père. Il nous apprend ainsi qu’être, c’est être en relation.

     

     

     

    Tous responsables de tous

     

     

     

    Si les relations sont, à ce point, constitutives de notre être, nous ne pouvons rester indifférents aux personnes avec qui nous sommes en relation. Notre interdépendance appelle à une solidarité entre nous. Cette solidarité n’est pas « un sentiment de compassion vague ou d’attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire, c’est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun, c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous » (2). De cette interdépendance, de cette responsabilité pour autrui, découle une attention particulière pour les plus petits, les plus faibles d’entre nous, qui se retrouve dans le commandement évangélique de nourrir et vêtir les pauvres, d’accueillir l’étranger, de visiter les malades et les prisonniers (Mt 25).

     

     

     

    Une attention aux plus vulnérables

     

     

     

    C’est cette conviction première qui inspire les mêmes catholiques à se faire serviteurs des pauvres pour accueillir en eux le Christ et à faire opposition à ce qui risque de priver l’enfant de ses droits, de son inscription dans une histoire et une généalogie. À partir de cette vision de l’homme et de cette attention au plus vulnérable, l’Église demandera à la fois l’accueil de l’étranger et l’accueil de l’enfant à naître. Les deux peuvent s’annoncer de façon imprévue, à un moment que nous jugeons mal choisi. Mais le Christ nous demande d’accueillir chaque personne comme lui-même… C’est toujours à partir de cette vision que l’Église condamne le licenciement sans concertation de salariés ou l’expulsion brutale de Roms. Dans les décisions économiques ou politiques, le souci de l’homme doit rester premier et sa dignité doit être respectée. C’est encore cette vision qui pousse l’Église à intervenir pour le respect des personnes diminuées par l’âge ou le handicap. C’est autour de cette vision de l’homme et ce souci de donner toute leur place aux plus démunis parmi nous que 12 000 personnes se sont rassemblées à Lourdes début mai dans le cadre de Diaconia 2013 autour du thème « Servons la fraternité ». Alors oui, cette attention au plus faible peut se traduire par une opposition à des projets de réforme, mais ce n’est pas par un réflexe conservateur, mais dans le souci que la dignité de l’homme reste bien au centre des préoccupations d’un monde en pleine évolution. Une dignité qui, pour le chrétien, n’est pas liée à une liste de qualités physiques, intellectuelles ou morales ni même à notre propre pouvoir de communiquer ou de nous relier à d’autres. La dignité est fondée dans le fait que chaque créature est créée à l’image de Dieu. En celui qui n’a pas encore accédé au langage ou en celui qui l’a perdu, en celui dont la liberté est entravée ou diminuée par une cause psychique ou physiologique, en celui qui, vulnérable, est remis entièrement entre nos mains, le chrétien reconnaîtra un frère en humanité qui doit être respecté sans condition.

     

    2.2… cohérente avec une vision du mariage

     

     

     

    Si l’homme est un être relationnel, l’union d’un homme et d’une femme par le mariage comme la famille qui naît de cette fondation, sont des lieux privilégiés d’expérience de cette relation. Autant qu’à une vision de l’homme et de la femme, la foi chrétienne nous introduit à une vision du mariage.

     

     

     

    Une distance grandissante entre mariage civil et mariage religieux

     

     

     

    Les quatre piliers du mariage chrétien sont l’unité, l’indissolubilité, la fidélité et l’ouverture à la vie. Pendant longtemps, le mariage civil reflétait la même conception du mariage. Avec l’apparition du divorce, et plus particulièrement après l’introduction du divorce par consentement mutuel en 1975, le pilier de l’indissolubilité a disparu du mariage civil créant une distance avec le mariage religieux. Cette distance s’est encore creusée avec la disparition de l’ouverture à la vie comme élément essentiel du mariage civil. Elle s’aggrave encore d’avantage lorsque la différence sexuelle entre l’homme et la femme, élément fondamental pour penser l’alliance féconde à l’image de Dieu, est évacuée ou relativisée dans la définition du mariage civil. Il faut donc prendre acte du fait que mariage civil et mariage religieux ne recouvrent plus le même type d’engagement.

     

     

     

    Les conséquences :

     

     

     

    • Les époux catholiques, astreints au mariage civil, continuent d’honorer les exigences civiques et éthiques de solidarité et d’engagement vis-à-vis des enfants et des tiers que le mariage civil, en tant qu’institution, continue de consacrer. Son ouverture aux personnes de même sexe ne modifie pas les exigences juridiques du mariage fixées par le code civil. • Choisir de se marier religieusement, c’est consentir librement à un degré d’exigences qui complète et dépasse celles qui continuent d’être requises par le mariage civil. Ces exigences gardent aujourd’hui tout leur sens, un sens que renforce encore son caractère de choix minoritaire et librement consenti.

     

    Goûter à la vie de Dieu

     

     

     

    Ce choix correspond au goût de l’absolu qui habite spontanément le cœur des jeunes amoureux qui souhaitent faire rimer amour avec toujours. Il exprime aussi une réponse personnelle à l’invitation de goûter en quelque sorte à la vie de Dieu. La fidélité et l’indissolubilité sont des exigences fortes, qui peuvent paraître irréalistes à vue humaine, mais qui nous invitent à nous nourrir de l’extraordinaire fidélité de Dieu qui s’étend d’âge en âge pour en refléter quelque chose dans nos vies. L’ouverture à la vie veut dire que nos amours ne sont pas destinés à nous enfermer dans un tête-à-tête égoïste, mais qu’ils nous poussent à accueillir les autres. La Bible nous montre le visage de Dieu, infiniment fidèle, pardonnant toujours et encore les errements de son peuple. Le Christ nous montre une dynamique relationnelle d’amour capable d’accueillir tous et chacun. Même si nos mariages ne sont pas toujours à la hauteur de ce débordement d’amour dont nous gratifie Dieu, c’est une aventure qui vaut la peine d’être vécue et c’est un bonheur pour ceux qui arrivent à parcourir le chemin ensemble. Ainsi, nous tenons à ce mariage avec ses exigences, non pas parce qu’il nous protégerait contre les incertitudes et les risques – ceux-ci ne nous sont pas épargnés –, mais parce qu’il permet de vivre dans la vérité de l’amour une expérience humaine unique où nous pouvons pressentir un goût d’éternité.

     

     

     

    2.3 Retrouver le sens de l’amitié

     

     

     

    Enfin, les discussions autour de l’homosexualité nous invitent aussi à retrouver la force et le sens de l’amitié et de la chasteté. Les amitiés fortes ont toujours existé et existent encore, que ce soit entre hommes, entre femmes ou entre homme et femme. Aujourd’hui, les amitiés chastes sont dévalorisées au bénéfice d’une sorte d’injonction médiatique du « tout et tout de suite ». Dans une société fortement érotisée, où la transgression est parfois présentée comme un acte de courage sans égard au sens commun de l’existence, l’amitié chaste passe pour impossible ou trompeuse. Ainsi est construit de toutes pièces un schéma culturel qui appauvrit en fait les relations interpersonnelles et tout lien d’amitié fort est soupçonné de prendre une tournure sexuelle. L’attrait physique ou même le désir sexuel peuvent exister dans une relation d’amitié, mais les personnes peuvent aussi choisir de ne pas y céder, justement pour préserver et cultiver un lien d’amitié qui est un bien en soi. L’amitié s’appuie sur une distance bienfaisante des corps. Elle n’est ni possessive ni exclusive. Elle se nourrit de la présence gratuite de l’autre, de la richesse de son être. Toutes les personnes hétérosexuelles n’arrivent pas à vivre une relation d’amitié chaste avec une personne de l’autre sexe. Toutes les personnes homosexuelles n’arrivent pas à vivre une relation d’amitié chaste avec une personne du même sexe. Mais le fait que tous n’y arrivent pas ne dévalorise pas cette expérience. Celles et ceux qui vivent un tel lien d’amitié témoignent volontiers de la richesse qu’il représente et de l’importance qu’il revêt dans leur vie. Les liens d’amitié aussi comportent une ouverture sur les autres et ont une véritable fécondité sociale. Les personnes célibataires, les personnes vivant dans le célibat consacré peuvent témoigner d’une fécondité d’un autre ordre que l’engendrement. De telles expériences humaines risquent d’être balayées par un certain libertarisme. Il y a donc urgence à travailler à l’éducation relationnelle, affective et sexuelle des jeunes. Les chrétiens sont appelés à témoigner que d’autres façons de vivre les relations humaines sont possibles.

     

     

     

    En conclusion

     

     

     

    La communion ecclésiale n’est pas évidente. Depuis les origines, les chrétiens sont invités à l’unité, signe de celle qui existe au sein même du Dieu trinité auquel ils croient. Depuis les origines, les conflits et les déchirures viennent fragiliser le témoignage des chrétiens et meurtrir le corps du Christ dans lequel chacun a été baptisé. Depuis les origines, il est question de pardon et de charité au sein de nos communautés. C’est dire que notre combat est d’abord celui d’une conversion personnelle pour que notre vie soit une véritable bonne nouvelle cohérente avec l’Évangile et donne aux autres le goût de la vivre. Notre parole la plus convaincante prend avant toute chose la forme d’un engagement et d’un service. À cette condition nous ne craindrons pas que nos façons de vivre entrent en contradiction avec les normes de la société. L’important, c’est que nos vies soient réglées sur le soleil du Christ et qu’on puisse dire que notre témoignage n’est pas jugement pour l’autre mais tout simplement cohérence entre la foi et les actes. À la suite du Christ, venu en ce monde porté par l’amour du Père pour le monde, sur ce chemin, nous ne sommes pas seuls. En solidarité avec tous ceux qui nous entourent, nous pouvons mettre en œuvre des pratiques qui témoignent du respect inconditionnel de tout être humain et qui garantissent un avenir aux plus vulnérables. Il revient à chacun de garder, toujours plus justement, le souci du vivre ensemble qui respecte la dignité de la personne humaine, souci du vivre ensemble social et politique, orienté vers toujours plus de justice, de paix et de solidarité.

     

     

     

    Le Conseil Famille et Société Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, président Mgr Yves Boivineau, évêque d’Annecy Mgr Gérard Coliche, évêque auxiliaire de Lille Mgr François Jacolin, évêque de Mende Mgr Christian Kratz, évêque auxiliaire de Strasbourg Mgr Dominique Lebrun, évêque de Saint-Étienne Mgr Armand Maillard, archevêque de Bourges Mme Monique Baujard, directrice du Service national Famille et Société Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, professeur de droit Père Gildas Kerhuel, secrétaire général adjoint de la CEF Sœur Geneviève Médevielle, professeur de théologie morale M. Jérôme Vignon, président des Semaines Sociales de France

     

    (Source : « Urbi et Orbi »)

     

     

     

     

     


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    Le pape François a mené la procession de la Fête-Dieu dans les rues de Rome

     

     FÊTE-DIEU: LE PAPE A PORTÉ LE ST SACREMENT DANS LES RUES DE ROME

     

     

     

     

     

     

     

    Dans la soirée du jeudi 30 mai, en la solennité du Corps et du Sang du Christ, le pape François a célébré la messe sur le parvis de la basilique Saint-Jean-de-Latran, cathédrale de Rome. Conformément à la tradition, il a ensuite parcouru à pied, guidant la procession eucharistique aux flambeaux, les deux kilomètres de la via Merulana, de Saint-Jean-de-Latran à la basilique Sainte-Marie-Majeure. Le Saint-Sacrement exposé dans l’ostensoir avait été placé à bord d’une voiture découverte.

     

     

     

    Très populaire à Rome, depuis que Jean-Paul II l’a relancée en 1979, la Fête-Dieu attire les foules chaque année, toutes générations confondues. Elle est célébrée dans une atmosphère de piété populaire, à la fois joyeuse, majestueuse et solennelle. Née à Liège (Belgique) au début du XIIIe siècle, cette fête a été étendue en 1264 à l’Église universelle par le pape Urbain IV.

     

     

     

    Commentant, dans son homélie, le miracle de la multiplication des pains, le pape François a insisté sur trois mots : « multitude », « communion » et « partage ». Il a relevé que dans l’Évangile de Luc, Jésus est au milieu de la foule, dans les situations concrètes du monde.

     

    Ne pas avoir peur de la solidarité

     

     

     

    Et les gens le suivent, a-t-il expliqué, parce qu’il parle et agit d’une façon nouvelle, avec l’autorité des personnes loyales et cohérentes, qui annoncent l’espérance qui vient de Dieu : « Jésus nous rappelle que, pour le suivre, nous devons sortir de nous-mêmes et faire de notre vie un don. Les disciples auraient voulu renvoyer la foule, une tentation que nous avons tous si souvent lorsque nous ne voulons pas assumer les besoins des autres. Nourrie par Jésus, la multitude devient une communauté, passant de l’anonymat à la communion. »

     

     

     

    Le pape François a ensuite noté que l’Eucharistie est le sacrement de la communion qui nous fait sortir de l’individualisme : « Elle ne peut être vécue dans l’anonymat, mais dans le partage. »

     

     

     

    Il a appelé l’Église et la société tout entière à ne pas avoir peur de la solidarité, « le mot-clé, un mot mal vu de l’esprit mondain. Nous devons savoir mettre à la disposition de Dieu ce que nous avons, nos humbles talents. Ce n’est que dans le partage que notre vie sera féconde. »

     

     

     

    En conclusion, le pape François a invité les fidèles à se laisser transformer par le Christ, à sortir toujours plus de leur petit enclos et à ne pas avoir peur de donner, de partager, d’aimer Jésus et le prochain.

     

     

     

    F. M., à Rome (avec Radio Vatican)

     

     

     


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    Débat sur la « debaptisation » devant la cour d’appel de Caen

     

     

     

    Après un jugement du tribunal de grande instance de Coutances, en 2011, la cour d’appel de Caen débattait mardi 28 mai de la demande d’un habitant de la Manche demandant que son baptême soit effacé des registres du diocèse. L’affaire a été mise en délibéré au 10 septembre.

     

     

     

     DÉBAT SUR LA "DÉBAPTISATION"

     

    CHARLY TRIBALLEAU / AFP

     

    René Lebouvier arrivant à la cour d’appel de Caen le mardi 28 mai 2013.

     

     

     

     

     

    Saisie par le diocèse de Coutances, la cour d’appel de Caen examinait, mardi 28 mai 2013, la demande de « débaptisation » de René Lebouvier. Né le 9 août 1940 à Fleury (Manche), il a été baptisé deux jours plus tard dans l’église de son village. Mais aujourd’hui, après avoir déjà obtenu de l’évêque que la phrase « a renié son baptême » soit mentionnée en regard de son nom sur le registre, René Lebouvier souhaite que soit effacée la mention même de son baptême sur le registre de l’Église.

     

    Or après avoir d’abord été rejetée en référé, sa demande a été jugée recevable par le tribunal de grande instance de Coutances le 6 octobre 2011. Le juge a en effet considéré que « le fait d’avoir été baptisé par l’Église catholique est un événement intime constituant une information personnelle sur un individu » et que, dès lors, il relève de la protection de l’article 9 du code civil en vertu duquel « chacun a droit au respect de sa vie privée ».

     

    « N’étant pas croyant, je ne souhaite plus figurer sur les registres du baptême », a-t-il déclaré en arrivant devant la cour d’appel de Caen. « En vertu de la loi, n’importe quel membre peut obtenir de quitter une association et que son nom ne figure plus dans ses listes. Ce devrait être pareil pour l’église, argumente donc René Lebouvier, déterminé à aller jusqu’en cassation s’il le faut. C’est peut-être la seule chose que j’aurai faite de bien dans ma vie mais au moins j’aurai essayé ! »

     

    Une « cérémonie publique et non pas privée »

     

    Au nom du diocèse de Coutances, Me Vincent Asselineau a été le premier à prendre la parole. Pendant près d’une heure, il a successivement rappelé les faits – y glissant un « bref rappel de ce qu’est un baptême, une cérémonie publique et non pas privée », et des registres paroissiaux – les jugements déjà rendus dans cette affaire et enfin les textes applicables.

     

    « Renoncer a son baptême est le droit le plus strict de René Lebouvier : “Nul ne doit agir contre sa conscience” est un principe constant pour l’Église catholique depuis Vatican II », a-t-il souligné en préambule. Pour autant, à ses yeux, l’ancien évêque de Coutances Mgr Stanislas Lalanne a eu raison de ne pas donner suite à la demande de radiation de son nom « au nom des lois de la République ».

     

    Dans un premier temps, a-t-il reconnu, l’évêque « n’a pas compris. Ensuite il a trouvé cela excessif. Ensuite il a refusé au nom de la liberté de conscience de M. Lebouvier, considérant qu’il pouvait ensuite changer d’avis ».

     

     

     

    « Pas une atteinte a l’intimité de sa vie privée »

     

     

     

    C’est surtout au nom de la loi 1905 que l’avocat du diocèse estime cette demande de radiation injustifiée : elle laisse en effet les Églises libres de s’administrer, et donc de tenir ses registres comme elles l’entendent dans les limites de l’ordre public. « Or ici il n’y a pas d’infractions aux lois de la République », a assuré Me Asselineau : parce qu’en vertu de la jurisprudence, « dire de quelqu’un qu’il a telle appartenance religieuse n’est pas une atteinte a l’intimité de sa vie privée », et parce que la CNIL elle même, dans un avis de 1993, a considéré que les registres du culte étaient compatibles avec la loi informatique et libertés.

     

    Répondant enfin à quelques-uns des arguments de René Lebouvier, l’avocat du diocèse a esquissé une comparaison avec les registres d’état civil, rappelant qu’en cas de changement de prénom ou même de sexe « la mention est ajoutée mais l’acte de naissance lui-même reste fondateur et indélébile ».

     

    L’histoire de la photocopie d’un acte de baptême « passé au Tipp-Ex » dans le diocèse de Tulle – et produite par René Lebouvier à l’appui de sa demande – a quant à elle fait sourire la présidente du tribunal. « Harcelée par une dame, la secrétaire du diocèse a agi ainsi dans le dos de l’évêque. Mais surtout, elle n’a blanchi que la photocopie de l’acte de baptême et pas l’acte lui-même », a-t-il assuré proposant au tribunal dans un sourire un « déplacement sur place »…

     

    Affaire mise en délibéré 10 septembre

     

    À l’appui de la demande de radiation déposée par René Lebouvier, Me Alain Guyon a de son côté affirme ne pas vouloir faire le « procès de l’institution du baptême ». « C’est un sacrement important pour ceux qui se reconnaissent de culte, mais ce n’est plus le cas de M. Lebouvier », a-t-il résumé, estimant que la seule mention de son état civil dans ce registre « est une atteinte à l’intimité de sa vie privée » et qu’elle va « à l’encontre de ses convictions ».

     

    Rejoignant également les arguments déployés à l’extérieur de la salle d’audience par les représentants de la libre-pensée – l’un d’eux osant une comparaison avec « la charia » – l’avocat a tenté de placer l’affaire sur le terrain du conflit entre normes religieuses et civiles : « Des règles existent en interne pour codifier le baptême, par exemple sur la consultation des registres, et c’est tant mieux, mais René Lebouvier ne s’y reconnaît pas. Vous devez, madame le président, juger sa demande comme un procès civil, selon les règles civiles ».

     

    L’affaire a été mise en délibéré au 10 septembre. Et les deux parties, selon que la cour d’appel confirmera ou infirmera le jugement de première instance, se disent prêtes à se pourvoir en cassation.

     

    Anne-Bénédicte Hoffner, à Caen (Calvados)

     

     

     

    (Source : La Croix)

     


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