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    Homélie du 13ème dimanche du temps ordinaire (30 juin)

     

     

     

     

     

    L’évangile qui nous est proposé pour ce dimanche nous présente trois visages différents de Jésus : Il décide, avec courage, de prendre la route de Jérusalem. Il renonce à toute violence. Et enfin, il propose des exigences à la foule de ceux qui le suivent.

     

     

     

    Premier point : Jésus, homme de courage : à partir de maintenant, dans l’évangile de Luc, les miracles se font plus rares ; les paroles de Jésus se radicalisent. Il va « durcir » son visage et prendre résolument la route de Jérusalem. Il sait que c’est là le lieu de son combat décisif contre la mort. En lisant cet évangile, nous pensons à nos difficultés, nos échecs, nos incertitudes. Quand tout va mal, Jésus est là. Il ne nous abandonne pas. Il nous apprend à ne pas nous laisser aller. C’est avec lui et à sa suite que nous pourrons tenir bon dans la fidélité qu’il attend de nous.

     

     

     

    Deuxième point : Jésus, homme de la non-violence : Courageux et déterminé, Jésus est tout autant « doux et humble de cœur ». Un village de samaritain a refusé de recevoir ces pèlerins juifs simplement parce qu’ils étaient juifs. Le rejet de l’étranger est de tous les temps. Jacques et Jean sont indignés : ils proposent à Jésus de punir ce village hostile en appelant le feu du ciel pour le détruire. Cette tentation de la vengeance  contre ceux qui nous font du mal   est toujours bien présente dans notre monde et notre vie.

     

     

     

    Jésus réagit très vivement. Il nous révèle ainsi le vrai Dieu, un Dieu qui nous a créés libres et qui respecte notre liberté jusqu’au bout. Il n’est pas venu pour détruire les pécheurs mais pour les sauver. Sur la croix, il fera cette prière : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Il est le non-violent qui arrête le cercle infernal du mal en le recevant sur lui. Au lieu de punir le village qui a refusé de le recevoir, il s’en va vers un autre. C’est important pour nous qui sommes affrontés au mal en nous et autour de nous. Cet évangile est un appel à demander à Dieu de nous donner sa patience.

     

     

     

    Troisième point ; Jésus homme des exigences radicales. Cette non-violence ne signifie pas du tout une molle tolérance. Il est hors de question de relativiser la frontière entre le bien et le mal. Au contraire, Jésus propose à ceux qui veulent le suivre des exigences terribles. Il ne cherche pas  à recruter à tout prix. Sans décourager ceux qui veulent le suivre, il met des conditions. Les idées généreuses, ça ne suffit pas. Il faut un appel profond et personnel car c’est l’œuvre du Seigneur et c’est lui qui choisit.

     

     

     

    Un homme réclame un délai pour aller enterrer son père : Jésus lui demande de se tourner vers les vivants pour leur annoncer le règne de Dieu. Un autre veut prendre congé des siens. Jésus le presse de marcher à sa suite sans regarder en arrière. À travers ces appelés, c’est nous qui sommes interpellés par le Christ. La vie évangélique ne supporte aucune demi-mesure. Répondre à l’appel de Jésus c’est choisir. Et quand on  choisit, on élimine ce qui nous détourne de l’essentiel.

     

     

     

    Cet appel du Seigneur rejoint les hommes au cœur de leur vie. Moïse, Amos, David… ont été appelés derrière leur troupeau. Élisée (1ère lecture) était en train de labourer son champ. Il a brulé son attelage et ses bœufs pour suivre Elie et devenir prophète du Seigneur. Sa nouvelle mission sera d’appeler son peuple à la fidélité de la foi. Actuellement, on trouve des religieux, des religieuses, des prêtres qui avaient une belle situation très lucrative. Ils auraient pu faire carrière en tant qu’ingénieurs, médecins, chefs d’entreprise… Ils ont choisi d’y renoncer pour répondre à l’appel du Seigneur.

     

     

     

    Saint Paul (2ème lecture) nous rappelle que c’est dans la fidélité au Christ que nous trouvons la vraie liberté. Il nous invite à rejeter les tendances égoïstes de la chair. Cela veut dire que nous devons aller à contre-courant de la mentalité de notre monde et notre milieu. Nous ne devons pas juger d’après ce que tout le monde pense mais d’après le regard du Christ. En nous laissant conduire par l’Esprit Saint, nous serons libérés de nos passions et de l’esclavage du péché. C’est à ce prix que nous pourrons répondre généreusement à l’appel du Christ.

     

     

     

    En ce jour, nous te prions, Seigneur. Garde-nous de nous enfoncer dans les fausses sécurités du confort et de la consommation. Entraîne-nous vers l’avenir libérateur que le Père offre à tous tes enfants. Amen

     

    Abbé Jean Compazieu    

     

     

     

    Sources : Revues Feu Nouveau et Signes, Saisons bibliques, lectures bibliques des dimanches (A Vanhoye), Pour la célébration de l’Eucharistie (Feder et Gorius)

     

     

     


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  • Régis BURNET, « Il y a quelque temps, au paradis… »

     

    RÉGIS BURNET

     

     

     

    posté par Robert Migliorini le Vendredi 24 mai 2013

     

     

     

     

     

    L’invité du blog: Régis BURNET, Bibliste et homme de télévision.

     

     

     

    Le dimanche, à l’heure où sur les chaînes généralistes diffusent leur incontournable film du soir, Régis Burnet propose un 52 minutes de formation chrétienne et de réflexion sur KTO (Télévision catholique). Son magazine hebdomadaire « La foi prise au mot » se présente comme un dialogue avec ses invités. « Dans un style simple et direct » précise le cahier des charges. En prise avec la culture contemporaine placée sous le signe du pluralisme ds valeurs, des croyances et des arts de vivre. On se souvient que durant le Carême 2013 l’émission de décryptage s’était intéressée, par exemple, aux 7 péchés capitaux. Dans un monde nouveau où les codes sont changeants et la mémoire fragilisée, Régis Burnet apparait comme un passeur, soucieux de lien et de communication. Fort de cette conviction: la société moderne n’en a pas fini avec la religion mais avec certaines formes d’organisation. D’où son attention particulière pour l’histoire du Christianisme primitif.

     

     

     

    A 40 ans le familier des médias, des bibliothèques et des salles de cours conjugue pédagogie, travail universitaire,  et souci de s’adresser à un public le plus large possible sur les questions religieuses. Les téléspectateurs de France 2 ont pu récemment, le 7 mai,  écouter Régis Burnet intervenir dans l’émission « Secrets d’histoire » consacrée à Jésus.

     

     

     

    Aujourd’hui professeur de Nouveau Testament à l’Université Catholique de Louvain -la-Neuve (Belgique) Régis Burnet a publié de nombreux ouvrages. Comme son « Nouveau Testament » dans la célèbre collection « Que-sais-je? » (PUF).  L’ancien élève de l’Ecole normale supérieure,  docteur en sciences religieuses, historien, a également écrit  sa biographie de Judas (éditions du Seuil), une évocation de  Marie-Madeleine (Cerf) et son « Paul, bretteur de l’Evangile » (DDB).

     

     

     

    Depuis trois ans dans chaque numéro des Cahiers « Croire » (édités par Bayard) l’agrégé de lettres modernes, historien d’art,   propose une lecture stimulante d’une oeuvre d’art, en lien avec le thème du dossier. En 2006 il a co-écrit avec Eliane Burnet un essai au titre suggestif en ce domaine: « Pour décoder un tableau religieux » (aux éditions du Cerf) . L’oeuvre d’art, le regard de l’artiste, qui renvoient souvent à la Bible,  sont autant d’Epiphanies possibles de Dieu.

     

     

     

    Régis Burnet  animera le jeudi 6 juin à 20 heures, dans le cadre du festival biblique du collège des Bernardins, à Paris,  une table-ronde sur le thème de l’étude des Ecritures dans la vie de l’Eglise et dans la culture aujourd’hui.

     

     

     

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    - Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes,  évoquant Dieu que vous avez entendues  et appréciées?

     

     

     

    -  Régis BURNET: Il y en a tellement… Depuis  le miserere Mei Deus de Josquin des Prés jusqu’à la chanson « l’Alchimiste » d’Abd al-Malik ou « Je suis venu vous dire » de Mano Solo, en passant par « Dieu caché » chanté par les moines bénédictins du monastère d’En-Calcat.

     

     

     

    - Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?

     

     

     

    Dieu n’est-il pas musique ? Cela est proclamé dès que l’homme en fait l’expérience dans le salut : « Ma force et mon chant, c’est le Seigneur », dit Moïse (Ex 15, 2). Dieu n’est-il pas chant ?

     

     

     

    - Au paradis quelles musiques y entend-on ?

     

     

     

    Il y a quelque temps, on y écoutait que de la musique de vieux, du grégorien ou du Bach, mais depuis qu’on a offert un smartphone (téléphone)  au Seigneur, il écoute Chimène Badi en streaming en chantant à tue-tête.

     

     

     

    - Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent  à la prière ?

     

     

     

    Toutes, et pas forcément celles qui sont « faites pour ça ». La prière peut jaillir de l’heureuse rencontre d’un état d’âme et d’une musique qui, à tout autre moment, n’aurait fait que glisser sur l’oreille.

     

     

     

    - Que chantent les anges  musiciens ?

     

     

     

    Pendant longtemps, ils ont cru qu’il fallait ressasser le Sanctus, parce que c’est écrit dans le livre de l’Apocalypse et que ça fait classe. Mais à la fin, ils ont trouvé que cela faisait un peu musique d’ascenseur. Depuis, ils essaient de s’adapter à la mode pour que les nouveaux élus ne soient pas surpris à leur arrivée et que les vieux élus restent à la page. Ils ont eu donc leur période piano bar, puis leur trip jamaïcain… récemment, ils se sont mis à Will.I.am And scream and shout ooh ooh ooh.

     

     

     

    -Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?

     

     

     

    Seigneur, au seuil de cette nuit, nous venons te rendre l’esprit et la confiance.

     

    Bientôt nous ne pourrons plus rien ; Nous les mettons entre tes mains.

     

     

     

    - Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?

     

     

     

    Libera me, Domine, de morte æterna, in die illa tremenda, quando coeli movendi sunt et terra, dum veneris iudicare sæculum per ignem. (1)

     

     

     

    - Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons  à emporter sur une île déserte?

     

     

     

    Le groupe Malicorne, Le Luneux, album Almanach

     

    Purcell, O Solitude par Alfred Deller

     

    Tout l’album Chants du Grand Carême Orthodoxe par les sœurs du monastère Sainte-Élisabeth de Minsk et en particulier Que fasse silence toute chair mortelle

     

    J.S Bach, Passion selon saint Jean

     

    Tchaïkovski, Symphonie n°6 « Pathétique »

     

    Tout l’album « Les Marquises » de jacques Brel

     

    J.S. Bach, Les Variations Goldberg par Glenn Gould

     

    An Epitaph « Under this stone », chanson populaire anglaise

     

    Lamentu di Gjhesu par le Chœur de Sartène, en Corse.

     

    Tout l’album Good Friday, Eastern Sacred Songs de Fairouz

     

     

     

    - Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?

     

     

     

    Jojo

     

    « Tu sais le nom des fleurs

     

    Tu vois que mes mains tremblent

     

    Et je te sais qui pleure

     

    Pour noyer de pudeur

     

    Mes pauvres lieux communs.

     

     

     

    Six pieds sous terre Jojo tu frères encore

     

    Six pieds sous terre tu n’es pas mort. »

     

     

     

    (Jacques Brel, 1977).

     

     

     

    - Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?

     

     

     

    Beaucoup beaucoup, et ils changent tout le temps. En classique, Purcell, Bach, Mahler, Tchaïkovsky et le tendre Ravel. En chanson française, Brel et Brassens, évidemment, mais aussi Anne Sylvestre dans ses chansons pour adultes, Allain Leprest ou l’excellent Manu Galure. Pour les interprètes classiques, j’ai toujours eu un faible pour le chanteur classique Alfred Deller.

     

     

     

    - La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?

     

     

     

    La reprise des « Dessous chics » par la chanteuse Juliette sur son album No Parano.

     

     

     

    - Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?

     

     

     

    Wa Habibi par Fairouz

     

    وا حبيبي وا حبيبي أي حال أنت فيه 

     

    من رآك فشجاك أنت أنت المفتدي 

     

    يا حبيبي أي ذنب حمل العدل بنيه 

     

    فأزادوك جراحاً ليس فيها من شفاء 

     

    Mon Amour, Mon Amour

     

    Que t’est-il donc arrivé

     

    Qui t’as vu et s’est affligé pour toi,

     

    Toi qui es le juste?

     

    Mon Amour, quel est le péché de notre temps et de nos enfants?

     

    Ces blessures sont sans remède.

     

     

     

    (1) Délivre-moi, Seigneur, de la mort éternelle, en ce jour redoutable  où le ciel et la terre seront ébranlés, quand tu viendras éprouver le monde par le feu.

     

     

     

     

     

     

     


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  • Église de France et société

     

     MARIAGE POUR TOUS? LES ÉVÊQUES DE FRANCE RÉAGISSENT

     

    Poursuivons le dialogue !

     

     

     

    Perspectives après le vote de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe

     

     

     

    Après la promulgation de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, le 18 mai 2013, le Conseil Famille et société de la Conférence des évêques de France publie une nouvelle note. Elle est adressée aux délégués diocésains à la pastorale familiale et se donne pour objectif d’« aider les communautés catholiques à surmonter leurs différences d’approche et à approfondir le dialogue ». Elle rappelle notamment les enseignements positifs du débat et indique la perspective de nouveaux sujets d’approfondissement dont les catholiques peuvent s’emparer, dans l’attention aux plus vulnérables.

     

     

     

    Texte de la Conférence des évêques de France  (4/6/13)

     

     

     

    Mai 2013 Les débats et manifestations autour de la loi ouvrant le mariage aux personnes du même sexe ont été l’occasion de constater que ce projet de réforme a divisé la communauté nationale. Une incompréhension s’est installée entre partisans et adversaires de la réforme et des divergences sont apparues sur la façon d’exprimer les désaccords. Une radicalisation est observable aujourd’hui. Cela n’est pas sans écho au sein même des communautés catholiques et les responsables de la pastorale des familles ont, parmi d’autres, exprimé le besoin de disposer d’éléments de discernement et de pistes de travail pour poursuivre la réflexion. Le Conseil Famille et société de la Conférence des évêques de France propose donc ce texte pour aider les communautés catholiques à surmonter leurs différences d’approche et à approfondir le dialogue. Si la foi chrétienne est bien une ressource qui donne sens à nos vies, alors il est possible de s’écouter et de s’entendre pour dire en quoi elle est aujourd’hui source d’orientation et d’inspiration éthique au sein d’une société pluraliste et sécularisée.

     

     

     

    Les enjeux de la réforme

     

     

     

    Ce texte s’inscrit dans la suite de la note publiée par le Conseil Famille et société en septembre 2012 (1). Il faut rappeler qu’à l’époque, aucune discussion n’était prévue ni même possible. Parce qu’il figurait dans les propositions du candidat François Hollande, le projet de loi emportait, aux yeux du gouvernement, de facto l’adhésion de la majorité des Français. Dans sa note, le Conseil Famille et société avait choisi de se placer sur le terrain juridique et anthropologique pour favoriser le dialogue avec le plus grand nombre de personnes possible. Il y donnait un éclairage sur les raisons qui pouvaient conduire à réclamer cette transformation du mariage civil. Il y expliquait aussi pourquoi cette transformation du mariage lui semblait une réponse inadéquate à la demande de reconnaissance des personnes de même sexe. Il invitait le législateur à ne pas se laisser enfermer dans une querelle de droits individuels, mais à chercher à protéger le bien commun. Il soulignait enfin que le mariage était une institution. Non réductible à l’amour entre deux personnes, elle instaurait pour la société un lien entre l’amour fidèle d’un homme et d’une femme et la naissance d’un enfant. Cette institution signifiait à tous que la vie est un don, que les deux sexes sont égaux et indispensables à la vie et que la lisibilité de la filiation est essentielle pour l’enfant. Cet ensemble constituait bien l’enjeu de la réforme et pas uniquement la question de l’égalité de traitement entre les couples de même sexe et les autres. C’est en raison de l’ampleur de ces enjeux pour l’ensemble de la société que le texte publié en septembre 2012 demandait que soit ouvert un large débat. Il offrait aussi aux catholiques des éléments de discernement pour y participer. De nombreuses communautés catholiques s’y sont référées pour organiser des rencontres. Entre temps le projet de loi a été examiné par l’Assemblée nationale et par le Sénat pour être finalement adopté en seconde lecture, le 23 avril 2013 par l’Assemblée nationale, dans une version proche de la proposition initiale du gouvernement ouvrant le mariage et l’adoption plénière aux couples de même sexe. Après validation par le Conseil constitutionnel, la loi a été promulguée par le président de la République le 18 mai 2013.

     

     

     

    De nombreux clivages

     

     

     

    Durant toute cette période, le débat recherché a bien eu lieu et les contributions des parties prenantes, y compris celles des religions ont pu être exposées. Pour autant, le sentiment demeure que ces contributions n’ont pas été écoutées ou comprises. L’ampleur des manifestations publiques est pour une large part la conséquence du sentiment que des objections de caractère fondamental, dépassant le terrain religieux et touchant au socle de la vie commune, étaient rejetées ou ignorées. De façon générale et pour des raisons diverses, beaucoup de personnes sortent avec un sentiment de malaise de cette période de débat. Ainsi, en forçant quelque peu le trait, certains estiment que la réforme ne modifie en rien le mariage quand celui-ci reconnaît l’amour entre deux êtres, alors que d’autres pensent qu’elle vide le mariage de sa substance lorsque celui-ci fait fi de la différence sexuelle. Certains analysent la réforme comme un progrès à l’égard de l’égalité des droits, d’autres craignent l’effondrement de la société incapable de reconnaître la différence comme mode d’identification humaine. Certains dénient à l’Église le droit d’intervenir dans les questions de société, d’autres auraient voulu qu’elle soit à la pointe du combat politique. Certains invoquent l’amour miséricordieux de Dieu pour plaider en faveur de la loi, d’autres invoquent l’amour créateur de Dieu pour s’y opposer. Certains estiment que le débat politique a été escamoté, d’autres estiment que le débat à l’intérieur de l’Église a été escamoté. Comment dépasser de telles oppositions ?

     

     

     

    La complexité du jugement éthique

     

     

     

    En fait, beaucoup de personnes percevaient les différents aspects qui semblent s’opposer. Elles se sentaient tiraillées entre la volonté de donner tout son sens au mariage basé sur l’altérité des sexes et la volonté de ne pas rejeter des personnes homosexuelles. Le projet de réforme les forçait à choisir l’un ou l’autre. Les contre-propositions cherchant à concilier les deux aspects n’ont pas reçu d’écho politique. Mais, au-delà de la question de la formulation politique du projet de réforme, ces clivages, vécus douloureusement à l’intérieur des personnes comme à l’intérieur des communautés chrétiennes, sont aussi révélateurs de la complexité du jugement éthique en situation pluraliste et invitent à approfondir notre réflexion. Ils signalent que le jugement éthique lui-même est devenu pluraliste. Chacun invoque sa conscience et on ne saisit plus s’il existe encore des fondements communs pour se prononcer sur ces grandes questions où l’avenir de l’homme se dessine. Ainsi assiste-t-on à l’émergence troublante de nouvelles manières de juger les situations. Dépendantes des émotions, de la narration ou du ressenti individuel, elles laissent peu de place aux arguments de raison. Cette donnée de fait doit être prise en compte par quiconque veut pratiquer le dialogue : il lui faut aussi prendre en compte l’histoire personnelle de chacun et tenter de l’y rejoindre, ce qui signifie aussi d’assumer sa propre histoire. Cette complexité du jugement éthique dans une société pluraliste et sécularisée n’empêche pas, d’une part, de tirer les enseignements positifs de ce temps de débat et, d’autre part, de formuler des pistes de réflexion pour approfondir le dialogue.

     

     

     

    1. Les enseignements positifs de ce temps de débat

     

     

     

    Ces derniers mois ont montré toute l’exigence de la vie en démocratie. Ils ont servi l’émergence de problématiques essentielles autour de l’intérêt supérieur de l’enfant, de l’évocation de la condition homosexuelle et du refus de l’homophobie. Ce sont des acquis positifs du débat.

     

     

     

    1.1 Vivre l’exigence démocratique

     

     

     

    L’exercice de la démocratie suppose d’admettre dès le départ que les divergences d’opinion sont légitimes. Sur cette base, les citoyens et leurs organisations peuvent exprimer librement leur point de vue, dans le respect des autres. Chacun mérite ainsi d’être écouté et respecté dans ses convictions profondes. Le débat doit normalement permettre d’améliorer un projet de façon à recueillir l’adhésion du plus grand nombre. Le mépris, la violence verbale ou physique n’ont pas leur place dans le jeu démocratique. Ils sont, pour les chrétiens, antagoniques avec la liberté religieuse dont ils se réclament.

     

    Respecter la laïcité

     

     

     

    La laïcité de l’État, telle qu’elle s’est approfondie en France depuis la loi de 1905 qui en définit les règles, ne fait pas obstacle à une expression des religions dans le débat public. La laïcité de l’État n’implique pas une laïcité de la société. La laïcité accueille dans l’espace public les opinions et contributions à la recherche de l’intérêt général, exprimées au nom d’une conviction religieuse ou spirituelle, car elle reconnaît la richesse du pluralisme. L’Église, comme toute association, peut faire entendre ses arguments ; les catholiques, comme tous les citoyens, peuvent prendre la parole. Bien sûr, il ne peut être question d’imposer la foi ou un point de vue religieux. La participation des catholiques au débat public se fait à partir d’une vision de l’homme qui trouve sa source dans la raison éclairée par la foi chrétienne.

     

     

     

    Assumer une position minoritaire

     

     

     

    Les catholiques prennent aujourd’hui conscience que cette vision n’est plus ni connue ni partagée par tous. Même lorsqu’elle est partagée, les conséquences politiques à en tirer peuvent diverger. À l’intérieur de la communauté catholique ces divergences ne mettent pas en danger l’unité ecclésiale, pas plus que l’issue d’un vote démocratique ne rejette les catholiques en dehors de la communauté nationale. Lors de sa dernière Assemblée plénière, par la voix de son président, la Conférence des évêques de France s’est exprimée sur la situation créée par l’adoption du projet de loi et sur sa portée au regard de la cohésion nationale. Elle a aussi invité les catholiques à se comporter comme citoyens, assumant une position minoritaire en démocratie. C’est une preuve de maturité démocratique que d’accepter sans violence que son propre point de vue ne soit pas retenu. C’est une preuve de maturité sociale que de reconnaître que le débat politique n’épuise pas le débat éthique et anthropologique sur les grandes questions du sens de l’existence. On peut continuer à provoquer de multiples manières la réflexion sur nos visions du monde et leurs conséquences pour la vie de tous et tout particulièrement des plus vulnérables d’entre nous. C’est une preuve de maturité spirituelle que de croire que ce ne sont pas les paroles qui importent pour exprimer une conviction, mais davantage encore le témoignage et l’engagement d’une vie au service du prochain, nourrie par la foi au Christ. À cet égard, les communautés catholiques auront aussi à accompagner les nombreux jeunes qui ont spontanément et pacifiquement pris part aux débats et aux manifestations. Il s’agit à la fois de saluer et de soutenir leur engagement tout en assurant leur formation, notamment dans le domaine de la doctrine sociale, pour favoriser ce témoignage à la suite du Christ.

     

     

     

    1.2 L’intérêt supérieur de l’enfant

     

     

     

    Un très large courant, dépassant le clivage autour du mariage ouvert aux personnes de même sexe, a exprimé le souhait que l’intérêt supérieur de l’enfant soit mieux pris en considération dans le contexte de la loi sur l’ouverture du mariage, et bien plus largement dans celui des réformes envisagées qui touchent à la vie familiale, à la protection de l’enfance et de la jeunesse, à la vie scolaire. Ce concept d’intérêt supérieur de l’enfant est porté au niveau international par une Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par notre pays, et sur lesquels veille en France le Défenseur des droits. Mieux expliqué et mieux compris, ce concept aurait permis de clarifier les malentendus entre différents points de vue se réclamant du bien des enfants déjà nés ou à naître. Il aurait aussi permis à nombre de personnes, favorables au « mariage pour tous » mais hostiles à l’adoption, de réaliser le lien étroit entre l’accès au mariage et l’accès à l’adoption. La revendication de préserver une filiation lisible pour tous les enfants a été clairement exprimée, mais n’a pas été retenue par le législateur. Dans sa décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel a érigé « l’intérêt de l’enfant » en exigence constitutionnelle. Cela renforce l’exigence que toute décision d’adoption doit être conforme à l’intérêt de l’enfant. Le Conseil a également jugé que la loi n’a ni pour objet ni pour effet de reconnaître un « droit à l’enfant ». Le rejet très net de toute instrumentalisation crée l’espoir que ce souci de protéger l’enfant, figure du plus faible parmi nous, permettra de trouver une majorité pour s’opposer à un élargissement des cas autorisés pour la procréation médicalement assistée et à la légalisation de la gestation pour autrui.

     

     

     

    1.3 L’accueil dans l’Église des personnes homosexuelles

     

     

     

    Comme le dénonçait le premier texte du Conseil Famille et Société, l’homophobie existe toujours dans la société et dans nos communautés catholiques. Les débats autour du projet de loi ont eu un double effet. D’un côté, une homophobie, jusque-là latente, s’est exprimée au grand jour avec une violence surtout verbale mais dans quelques cas aussi physiques. Cela est inadmissible et doit être fermement condamné. Ces expressions homophobes ont blessé et troublé de nombreuses personnes. De l’autre côté, les accusations répétées et généralisées d’homophobie, à l’adresse des opposants s au projet de loi, ont injustement disqualifié les motivations profondes qui les animaient.

     

     

     

    L’accueil inconditionnel

     

     

     

    L’homophobie, comme toute forme de discrimination, est inacceptable. Pour les communautés catholiques, l’accueil inconditionnel de toute personne est premier. Toute personne, indépendamment de son parcours de vie, est d’abord un frère ou une sœur dans le Christ, un enfant de Dieu. Cette filiation divine transcende tous les liens humains de famille. Chaque personne a droit à un accueil aimant, tel qu’il est, sans avoir à cacher tel ou tel aspect de sa personnalité. L’accueil inconditionnel de la personne n’inclut absolument pas une approbation de tous ses actes. Cet accueil constitue cependant la condition première de toute relation, selon l’exemple donné par le Christ lui-même.

     

     

     

    La miséricorde et la loi

     

     

     

    Pour accueillir, les communautés chrétiennes n’ont pas à choisir entre la loi ou la miséricorde. C’est la miséricorde qui ouvre le chemin par lequel chaque personne rendue à sa dignité et à sa liberté, peut s’engager librement sur une voie exigeante de conversion et de croissance. Ce que la foi désigne comme loi n’est pas un diktat moral, mais le signe que, par un comportement d’humilité, la rencontre avec l’amour divin devient possible. C’est une rencontre avec le Christ qui va conduire une personne à opérer des changements dans sa vie. Tout en sachant que cela leur échappe, les communautés chrétiennes ont à favoriser cette rencontre, à témoigner de l’action de Dieu dans la vie de chacun et à accompagner des cheminements, sans jamais juger les cœurs. De ce point de vue, le Conseil famille et société reconnaît que beaucoup peut encore être fait pour mieux accueillir et accompagner les personnes homosexuelles et leurs familles. Les incompréhensions apparues à propos de la loi au sein des communautés catholiques sont à la fois révélatrices de cette situation, mais peuvent aussi aboutir à une meilleure prise en considération de cette responsabilité par les communautés qui sont invitées à approfondir le débat sur différents points.

     

     

     

    2 De nouveaux sujets d’approfondissement

     

     

     

    La réflexion autour de la réforme du droit de la famille a conduit beaucoup de catholiques à s’interroger sur les raisons d’être de leur positionnement. Être catholique implique-t-il d’être toujours « contre » les réformes de société présentées comme des progrès par d’autres ? Comment, après avoir dissipé les accusations d’homophobie, expliquer la richesse spécifique du mariage chrétien qui mérite d’être recherchée et que l’on souhaite partager ? Ce sont des questions, plus éloignées du débat politique, pour lesquelles le Conseil Famille et société propose des éléments de discernement. Les pistes qui suivent veulent encourager les catholiques à approfondir ensemble ces thématiques et à en débattre avec toutes les personnes de bonne volonté.

     

     

     

    2.1 Une vision de l’homme…

     

     

     

    Dans la vision chrétienne, l’homme est un être relationnel. Créé à l’image et à la ressemblance du Dieu trinitaire, il naît d’une relation et se construit en tant que personne à travers de multiples relations et en premier lieu à travers ses relations de famille. L’être humain n’est donc pas un individu isolé, un îlot perdu. C’est une personne, toujours reliée à d’autres personnes. Sa liberté et son indépendance n’existent pas en dehors des autres ou en faisant abstraction des autres. Elles n’existent que dans la juste relation aux autres. Le Christ, à travers sa vie, sa mort et sa résurrection, nous montre la relation étroite qui l’unit à son Père. Il nous apprend ainsi qu’être, c’est être en relation.

     

     

     

    Tous responsables de tous

     

     

     

    Si les relations sont, à ce point, constitutives de notre être, nous ne pouvons rester indifférents aux personnes avec qui nous sommes en relation. Notre interdépendance appelle à une solidarité entre nous. Cette solidarité n’est pas « un sentiment de compassion vague ou d’attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire, c’est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun, c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous » (2). De cette interdépendance, de cette responsabilité pour autrui, découle une attention particulière pour les plus petits, les plus faibles d’entre nous, qui se retrouve dans le commandement évangélique de nourrir et vêtir les pauvres, d’accueillir l’étranger, de visiter les malades et les prisonniers (Mt 25).

     

     

     

    Une attention aux plus vulnérables

     

     

     

    C’est cette conviction première qui inspire les mêmes catholiques à se faire serviteurs des pauvres pour accueillir en eux le Christ et à faire opposition à ce qui risque de priver l’enfant de ses droits, de son inscription dans une histoire et une généalogie. À partir de cette vision de l’homme et de cette attention au plus vulnérable, l’Église demandera à la fois l’accueil de l’étranger et l’accueil de l’enfant à naître. Les deux peuvent s’annoncer de façon imprévue, à un moment que nous jugeons mal choisi. Mais le Christ nous demande d’accueillir chaque personne comme lui-même… C’est toujours à partir de cette vision que l’Église condamne le licenciement sans concertation de salariés ou l’expulsion brutale de Roms. Dans les décisions économiques ou politiques, le souci de l’homme doit rester premier et sa dignité doit être respectée. C’est encore cette vision qui pousse l’Église à intervenir pour le respect des personnes diminuées par l’âge ou le handicap. C’est autour de cette vision de l’homme et ce souci de donner toute leur place aux plus démunis parmi nous que 12 000 personnes se sont rassemblées à Lourdes début mai dans le cadre de Diaconia 2013 autour du thème « Servons la fraternité ». Alors oui, cette attention au plus faible peut se traduire par une opposition à des projets de réforme, mais ce n’est pas par un réflexe conservateur, mais dans le souci que la dignité de l’homme reste bien au centre des préoccupations d’un monde en pleine évolution. Une dignité qui, pour le chrétien, n’est pas liée à une liste de qualités physiques, intellectuelles ou morales ni même à notre propre pouvoir de communiquer ou de nous relier à d’autres. La dignité est fondée dans le fait que chaque créature est créée à l’image de Dieu. En celui qui n’a pas encore accédé au langage ou en celui qui l’a perdu, en celui dont la liberté est entravée ou diminuée par une cause psychique ou physiologique, en celui qui, vulnérable, est remis entièrement entre nos mains, le chrétien reconnaîtra un frère en humanité qui doit être respecté sans condition.

     

    2.2… cohérente avec une vision du mariage

     

     

     

    Si l’homme est un être relationnel, l’union d’un homme et d’une femme par le mariage comme la famille qui naît de cette fondation, sont des lieux privilégiés d’expérience de cette relation. Autant qu’à une vision de l’homme et de la femme, la foi chrétienne nous introduit à une vision du mariage.

     

     

     

    Une distance grandissante entre mariage civil et mariage religieux

     

     

     

    Les quatre piliers du mariage chrétien sont l’unité, l’indissolubilité, la fidélité et l’ouverture à la vie. Pendant longtemps, le mariage civil reflétait la même conception du mariage. Avec l’apparition du divorce, et plus particulièrement après l’introduction du divorce par consentement mutuel en 1975, le pilier de l’indissolubilité a disparu du mariage civil créant une distance avec le mariage religieux. Cette distance s’est encore creusée avec la disparition de l’ouverture à la vie comme élément essentiel du mariage civil. Elle s’aggrave encore d’avantage lorsque la différence sexuelle entre l’homme et la femme, élément fondamental pour penser l’alliance féconde à l’image de Dieu, est évacuée ou relativisée dans la définition du mariage civil. Il faut donc prendre acte du fait que mariage civil et mariage religieux ne recouvrent plus le même type d’engagement.

     

     

     

    Les conséquences :

     

     

     

    • Les époux catholiques, astreints au mariage civil, continuent d’honorer les exigences civiques et éthiques de solidarité et d’engagement vis-à-vis des enfants et des tiers que le mariage civil, en tant qu’institution, continue de consacrer. Son ouverture aux personnes de même sexe ne modifie pas les exigences juridiques du mariage fixées par le code civil. • Choisir de se marier religieusement, c’est consentir librement à un degré d’exigences qui complète et dépasse celles qui continuent d’être requises par le mariage civil. Ces exigences gardent aujourd’hui tout leur sens, un sens que renforce encore son caractère de choix minoritaire et librement consenti.

     

    Goûter à la vie de Dieu

     

     

     

    Ce choix correspond au goût de l’absolu qui habite spontanément le cœur des jeunes amoureux qui souhaitent faire rimer amour avec toujours. Il exprime aussi une réponse personnelle à l’invitation de goûter en quelque sorte à la vie de Dieu. La fidélité et l’indissolubilité sont des exigences fortes, qui peuvent paraître irréalistes à vue humaine, mais qui nous invitent à nous nourrir de l’extraordinaire fidélité de Dieu qui s’étend d’âge en âge pour en refléter quelque chose dans nos vies. L’ouverture à la vie veut dire que nos amours ne sont pas destinés à nous enfermer dans un tête-à-tête égoïste, mais qu’ils nous poussent à accueillir les autres. La Bible nous montre le visage de Dieu, infiniment fidèle, pardonnant toujours et encore les errements de son peuple. Le Christ nous montre une dynamique relationnelle d’amour capable d’accueillir tous et chacun. Même si nos mariages ne sont pas toujours à la hauteur de ce débordement d’amour dont nous gratifie Dieu, c’est une aventure qui vaut la peine d’être vécue et c’est un bonheur pour ceux qui arrivent à parcourir le chemin ensemble. Ainsi, nous tenons à ce mariage avec ses exigences, non pas parce qu’il nous protégerait contre les incertitudes et les risques – ceux-ci ne nous sont pas épargnés –, mais parce qu’il permet de vivre dans la vérité de l’amour une expérience humaine unique où nous pouvons pressentir un goût d’éternité.

     

     

     

    2.3 Retrouver le sens de l’amitié

     

     

     

    Enfin, les discussions autour de l’homosexualité nous invitent aussi à retrouver la force et le sens de l’amitié et de la chasteté. Les amitiés fortes ont toujours existé et existent encore, que ce soit entre hommes, entre femmes ou entre homme et femme. Aujourd’hui, les amitiés chastes sont dévalorisées au bénéfice d’une sorte d’injonction médiatique du « tout et tout de suite ». Dans une société fortement érotisée, où la transgression est parfois présentée comme un acte de courage sans égard au sens commun de l’existence, l’amitié chaste passe pour impossible ou trompeuse. Ainsi est construit de toutes pièces un schéma culturel qui appauvrit en fait les relations interpersonnelles et tout lien d’amitié fort est soupçonné de prendre une tournure sexuelle. L’attrait physique ou même le désir sexuel peuvent exister dans une relation d’amitié, mais les personnes peuvent aussi choisir de ne pas y céder, justement pour préserver et cultiver un lien d’amitié qui est un bien en soi. L’amitié s’appuie sur une distance bienfaisante des corps. Elle n’est ni possessive ni exclusive. Elle se nourrit de la présence gratuite de l’autre, de la richesse de son être. Toutes les personnes hétérosexuelles n’arrivent pas à vivre une relation d’amitié chaste avec une personne de l’autre sexe. Toutes les personnes homosexuelles n’arrivent pas à vivre une relation d’amitié chaste avec une personne du même sexe. Mais le fait que tous n’y arrivent pas ne dévalorise pas cette expérience. Celles et ceux qui vivent un tel lien d’amitié témoignent volontiers de la richesse qu’il représente et de l’importance qu’il revêt dans leur vie. Les liens d’amitié aussi comportent une ouverture sur les autres et ont une véritable fécondité sociale. Les personnes célibataires, les personnes vivant dans le célibat consacré peuvent témoigner d’une fécondité d’un autre ordre que l’engendrement. De telles expériences humaines risquent d’être balayées par un certain libertarisme. Il y a donc urgence à travailler à l’éducation relationnelle, affective et sexuelle des jeunes. Les chrétiens sont appelés à témoigner que d’autres façons de vivre les relations humaines sont possibles.

     

     

     

    En conclusion

     

     

     

    La communion ecclésiale n’est pas évidente. Depuis les origines, les chrétiens sont invités à l’unité, signe de celle qui existe au sein même du Dieu trinité auquel ils croient. Depuis les origines, les conflits et les déchirures viennent fragiliser le témoignage des chrétiens et meurtrir le corps du Christ dans lequel chacun a été baptisé. Depuis les origines, il est question de pardon et de charité au sein de nos communautés. C’est dire que notre combat est d’abord celui d’une conversion personnelle pour que notre vie soit une véritable bonne nouvelle cohérente avec l’Évangile et donne aux autres le goût de la vivre. Notre parole la plus convaincante prend avant toute chose la forme d’un engagement et d’un service. À cette condition nous ne craindrons pas que nos façons de vivre entrent en contradiction avec les normes de la société. L’important, c’est que nos vies soient réglées sur le soleil du Christ et qu’on puisse dire que notre témoignage n’est pas jugement pour l’autre mais tout simplement cohérence entre la foi et les actes. À la suite du Christ, venu en ce monde porté par l’amour du Père pour le monde, sur ce chemin, nous ne sommes pas seuls. En solidarité avec tous ceux qui nous entourent, nous pouvons mettre en œuvre des pratiques qui témoignent du respect inconditionnel de tout être humain et qui garantissent un avenir aux plus vulnérables. Il revient à chacun de garder, toujours plus justement, le souci du vivre ensemble qui respecte la dignité de la personne humaine, souci du vivre ensemble social et politique, orienté vers toujours plus de justice, de paix et de solidarité.

     

     

     

    Le Conseil Famille et Société Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, président Mgr Yves Boivineau, évêque d’Annecy Mgr Gérard Coliche, évêque auxiliaire de Lille Mgr François Jacolin, évêque de Mende Mgr Christian Kratz, évêque auxiliaire de Strasbourg Mgr Dominique Lebrun, évêque de Saint-Étienne Mgr Armand Maillard, archevêque de Bourges Mme Monique Baujard, directrice du Service national Famille et Société Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, professeur de droit Père Gildas Kerhuel, secrétaire général adjoint de la CEF Sœur Geneviève Médevielle, professeur de théologie morale M. Jérôme Vignon, président des Semaines Sociales de France

     

    (Source : « Urbi et Orbi »)

     

     

     

     

     


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    Le bienheureux don Puglisi a vaincu la mafia

     

     BÉATIFICATION D'UN MARTYR DE LA MAFIA : DON PUGLISI

     

    Priez pour la conversion des mafieux 

     

     

     

    Anita Bourdin

     

     

     

    ROME, 26 mai 2013 (Zenit.org) - Le pape rend hommage au bienheureux martyr de la mafia Pino Puglisi et il invite les fidèles catholiques à prier pour la conversion des personnes mafieuses, hommes et femmes, qui réduisent les autres en esclavage (cf. notre album photo de l'angélus sur Facebook : https://www.facebook.com/media/set/?set=a.493950824006229.1073741940.429643830436929&type=1).

     

     

     

    Lors de l'angélus de midi, de ce dimanche 26 mai, dimanche de la Sainte Trinité, place Saint-Pierre, le pape a en effet  évoqué la béatification, hier, à Palerme, de don Giuseppe Puglisi, dit Pino Puglisi ou "3P" (Padre Pino Puglisi). La cérémonie a été présidée par le cardinal Salvatore De Giorgi, au nom du pape François, en présence de quelque 80 000 personnes, rassemblées au stade Renzo-Barbera.

     

     

     

    Ce prêtre sicilien a été assassiné le jour de son 56e anniversaire, vers 20h45, le 15 septembre 1993, devant sa maison, piazza Anita Garibaldi, dans le quartier Brancaccio de Palerme: il y a quasi 20 ans. Il dérangeait, ce qui se dit en italien "casser les boîtes" (rompere le scatole). Il l'avait expliqué aux jeunes en apportant une boîte en carton et en sautant dessus: "Je suis un casse-boîtes", un casse-pied!

     

     

     

    Il lorsque le tueur lui a tiré une balle dans la nuque don Puglisi a murmuré en souriant: "Je m'y attendais". Qui a affectué l'autopsie a été marqué par ce sourire inscrit sur son visage.

     

     

     

    Comme c'est la procédure avant une béatification, lors de la "reconnaissance canonique" son corps a été faite: il a été exhumé et trouvé intact, vingt ans après. Il a été transféré du cimetière de Sant’Orsola, à la cathédrale de Palerme.

     

     

     

    Le pape lui a rendu hommage et a affirmé que c'est lui qui en fin de compte a gagné: "Don Puglisi a été un prêtre exemplaire, spécialement dévoué à la pastorale des jeunes. En éduquant les adolescents selon l'Evangile, il les soustrayait au milieu, et ainsi, celui-ci a cherché à le vaincre en le tuant. Mais en réalité, c'est lui qui a vaincu grâce au Christ ressuscité."

     

     

     

    Le pape a aussi saisi cette occasion pour dénoncer l'exploitation des êtres humains par les "mafias": "Je pense à tant de souffrances d'hommes et de femmes, d'enfants aussi, qui sont exploités par tant de mafias qui les exploitent en leur faisant faire un travail qui les rend esclave, par la prostitution, avec tant de pressions sociales. Derrière ces exploitations, derrière ces esclavages, il y a des mafias."

     

     

     

    Et il a invité à prier pour la conversion des responsables de cet esclavage: "Prions le Seigneur pour qu'il convertisse le coeur de ces personnes. Ils ne peuvent pas faire cela! Ils ne peuvent pas de nos frères des esclaves! Nous devons prier le Seigneur! Prions pour que ces mafieux et ces mafieuses se convertissent à Dieu et louent Dieu pour le lumineux témoignage de don Giuseppe Puglisi et faisons trésor de son exemple!"

     

     

     

    Né à Palerme en 1937, dans une famille modeste - son papa est cordonnier, sa maman couturière - , don Giuseppe Puglisi est ordonné prêtre en 1960. Nommé à la paroisse de Godrano, déchirée par la lutte sanglante que se livrent deux familles mafieuses, il réussira à les réconcilier.

     

     

     

    En 1990, il est nommé à Palerme, dans la quartier de Brancaccio, terre de mafia. Il s'engage pour les jeunes : un collège naîtra après sa mort. Il fonde une maison d'Accueil "Padre Nostro" pour les familles en difficulté.

     

     

     

    Mais le bruit court qu'il abritet chez lui des agents de la brigade anti-mafia et son exécution est décidée.

     

     

     

    Son assassin, Salvatore Gregoli, a été arrêté en juin 1997. Il a agi accompagné - sur une Fiat Uno blanche - de Gaspare Spatuzza. Les commanditaires, Filippo e Giuseppe Graviano ont été arrêtés l'année suivante.

     

     

     

    Salvatore Gregoli, 49 ans, a reconnu: "Je pourrais avoir tué un saint. Et j'en répondrai devant Dieu". Il dit que maintenant il croit en Dieu. Il a avoué avoir tué 50 personnes et avoir participé à plusieurs attentats. Il explique pourtant qu'un jour il a trouvé une bible dans un appartement mis à sa disposition.

     

     

     

    Surtout, la mort de Don Puglisi l'a "poursuivi comme une malédiction" et l'a "conduit à la vie honnête" qu'il mène maintenant et rend "supportable l'horreur" de sa vie passée, mais ne la fait pas oublier: "Je pense à mes morts", "je pleure et je prie pour eux".

     

     

     

    Depuis le 15 septembre 1993, il allume chaque jour un cierge pour demander pardon" à don Puglisi. Et tous les soirs, avant d'aller se coucher il "demande pardon à Dieu". Il est marié et a trois enfants, un travail. Il "sourit" mais "n'oublie pas" son passé.

     

     

     

    Il ajoute, dans un entretien à Panorama, en 2012: "Chaque fois que j'y pense, que j'en prends conscience, j'ai des sueurs froides, et je voudrais devenir un fantôme, une ombre. Je voudrais mourir. Mais ce sourire, le sourire de don Puglisi me sauve encore. Tous les soirs."

     


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